Un trou de 10 milliards de francs burundais, des dépenses extravagantes et des incohérences comptables alimentent les soupçons de détournement de fonds massifs à l’ANAGESSA. Ces anomalies criantes ont été révélées par une commission du Parlement qui s’en est arrêté là, ce qui soulève de graves questions sur le rôle du Parlement dans la surveillance des fonds publics.
En 2024, l'ANAGESSA s'est vu allouer 145,6 milliards de francs burundais pour la collecte et la conservation du maïs. Selon la présidente de la commission, cette somme a été utilisée pour l'achat du maïs, les produits de conservation, le paiement du personnel, le carburant, les balances et la location d'entrepôts. Cependant, les dépenses ont dépassé les prévisions, laissant le compte de l'agence presque vide. La commission a rapporté que l'ANAGESSA a dépensé 134,9 milliards de francs burundais, laissant un solde de seulement 16,9 millions de francs burundais à la Banque de la République du Burundi (BRB) au 16 novembre 2024.
Il n'est pas nécessaire d'être un expert pour constater les anomalies dans ce rapport. Si l'on soustrait les dépenses déclarées du budget alloué, il devrait rester plus de 10 milliards de francs burundais. Où sont passés ces fonds ? Un autre montant non justifié est celui de la vente récente de plus de 40% de la récolte de maïs, effectuée fin décembre 2024.
La RPA a mis en lumière plusieurs incohérences. L'achat de sacs de conservation a coûté 1,6 milliard de francs burundais, mais le remplacement d'une petite quantité de sacs endommagés a coûté 1,5 milliard supplémentaire. Les frais de carburant et les salaires liés au transport du maïs ont coûté 2,1 milliards de francs burundais, dépassant les coûts de stockage de toute la production et du paiement de l'ensemble du personnel. De plus, des frais bancaires de 9,6 millions de francs burundais sont jugés suspects, étant donné que les frais bancaires habituels au Burundi sont bien inférieurs. Bien que l'ANAGESSA ait déclaré avoir dépensé 205,7 millions de francs burundais en location d'entrepôts, elle prétend également devoir 9,9 milliards de francs burundais à des particuliers, y compris ceux qui ont loué des entrepôts.
Ces incohérences soulèvent des questions sur l'efficacité, voire la complicité, du Parlement burundais dans le suivi des activités de l'ANAGESSA. Pourquoi la commission n'a-t-elle pas enquêté sur la nature du matériel acheté à crédit pour près de 9 milliards de francs burundais ? Au lieu d'éclairer l'opinion publique, le rapport de la commission a suscité davantage d'interrogations, laissant planer le soupçon de malversations et de détournements de fonds.
Le Parlement burundais complice d'un détournement de fonds massif ?
L'Assemblée nationale du Burundi est-elle complice des activités de l'ANAGESSA ? C'est la question que soulève une enquête de la RPA, qui a mis en lumière des anomalies et des incohérences flagrantes dans le rapport présenté par la présidente de la commission permanente chargée de l'agriculture et de l'élevage.
L'un des premiers points qui attire l'attention est l'achat des sacs de conservation du maïs. L'ANAGESSA affirme avoir dépensé 1,6 milliard de francs burundais pour ces sacs. Or, le remplacement d'une petite quantité de sacs endommagés aurait coûté plus de 1,5 milliard de francs burundais, soit presque autant que l'achat initial de tous les sacs. « Quelques emballage-sacs ont été remplacés, car endommagés lors de la relocalisation de la production. Cela a coûté 1 milliard 551 millions 934 milles et 775 francs burundais », a déclaré la présidente de la commission parlementaire.
Autre anomalie : les frais de déplacement pour le transport du maïs vers les lieux de stockage. Le carburant aurait coûté 64,8 millions de francs burundais, tandis que les salaires du personnel, y compris les gardiens, se sont élevés à 1,95 milliard de francs burundais. En comparant ces chiffres, on constate que le coût de la relocalisation d'une petite quantité de maïs a dépassé celui du stockage de la totalité de la production et du paiement de l'ensemble du personnel. Le transfert du surplus de maïs vers les stocks régionaux a coûté 2,1 milliards de francs burundais, alors que le stockage de toute la production et le paiement des salaires ont nécessité 2 milliards 14 millions de francs burundais.
Un autre scandale concerne les frais de retenues bancaires, qui se seraient élevés à 9,6 millions de francs burundais. Or, selon les sources de la RPA au sein des banques commerciales burundaises, ces retenues sont forfaitaires et varient entre 5 000 et 10 000 francs burundais par mois, sauf pour les clients VIP. Comment la commission parlementaire a-t-elle pu ignorer une telle supercherie, alors que l'ANAGESSA est une institution étatique dont le compte est domicilié à la Banque Centrale ?
Les irrégularités ne s'arrêtent pas là. La location des greniers et des hangars de stockage suscite également des inquiétudes. La présidente de la commission permanente a déclaré que l'ANAGESSA avait dépensé 205,7 millions de francs burundais pour la location de ces infrastructures. Pourtant, l'ANAGESSA affirme devoir plus de 9 milliards de francs burundais à des particuliers, y compris ceux qui ont loué les hangars.
Une omission flagrante a retenu l'attention de la RPA : les parlementaires n'ont jamais cherché à connaître la nature du matériel acheté à crédit par l'ANAGESSA, alors que cela a coûté la somme faramineuse de 9 milliards de francs burundais. Au lieu d'éclairer l'opinion publique, le rapport de la commission n'a fait que susciter des interrogations, laissant planer le soupçon de malversations et de détournements de fonds.
Le coût des balances s'est élevé à 131,3 millions de francs burundais, les médicaments pour la conservation de la récolte ont coûté 2,9 milliards de francs burundais, les palettes ont coûté 2,15 milliards de francs burundais, et d'autres matériels tels que les tamis, les tentes et les appareils servant à vérifier le taux d'humidité des graines ont coûté 51 millions de francs burundais. Des chiffres qui, au lieu d'apporter des éclaircissements, ne font qu'alimenter les soupçons de détournements de fonds massifs.
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Photo : Présidente de la commission permanente ayant l’agriculture dans ses attributions au Parlement lors de la présentation du rapport de la commission à l’Assemblée nationale (27/02/2025)