Après des années d'attente et de promesses non tenues, le marché de réhabilitation de l'ancien marché central de Bujumbura a été finalement octroyé. Le 16 septembre, la société Ubaka Nation Group a entamé les travaux de nettoyage du site. Ce projet qui enthousiasme certains, préoccupe d’un autre côté des observateurs avisés. L’exécutant du projet, désigné sans aucune compétition, à part son parcours entaché de plusieurs traces d’escroquerie et magouilles financières, entretient des relations privilégiées avec le couple présidentiel, d’où les privilèges dont il bénéficie ces derniers temps.
Fablice Manirakiza, dirigeant d'Ubaka Nation Group, a obtenu ce marché sans aucune mise en concurrence. Le contrat, signé sur recommandation présidentielle, confie à l'entreprise non seulement la construction de bâtiments modernes, mais aussi la collecte des fonds et l'exploitation du marché sur une période de plus de 50 ans.
Le projet repose sur le "One Africa Investment Fund", créé par Manirakiza lui-même. Ce fonds, qui appelle à la participation des Burundais locaux et de la diaspora et qui est dirigé par Fablice Manirakiza, soulève de nombreuses questions : Absence de supervision gouvernementale dans la gestion des fonds, rôle inhabituel de la Banque centrale dans un projet privé ainsi que des promesses de rendements rapides jugées irréalistes par les experts.
D’après Manirakiza, ces intérêts seront générés dès le premier mois, avant même le démarrage du projet, grâce à l'émission de titres de trésorerie par la BRB. Cependant, les experts économiques jugent cette promesse difficilement réalisable, compte tenu de la situation financière précaire du pays et de ses dettes internes non remboursées.
Les spécialistes en monnaie craignent que pour honorer cet engagement, la BRB ne soit contrainte de recourir à la planche à billets, une pratique qui aggraverait la dévaluation déjà préoccupante du franc burundais. Cette stratégie expliquerait pourquoi la BRB a spécifié que les intérêts seraient versés uniquement en monnaie locale, même pour les investissements en dollars.
Plus alarmant encore, certains experts comparent le modèle du One Africa Investment Fund à un système pyramidal de type Ponzi, où les premiers investisseurs sont rémunérés grâce aux apports des nouveaux entrants, jusqu'à l'effondrement inévitable du système.
Fablice Manirakiza : un homme d'affaires au passé trouble
Depuis son retour au Burundi il y a moins de 10 ans, Manirakiza a créé quatre entreprises : Come and See Burundi, Assurance Agico, Ubaka Nation Group, et le fonds One Africa Investment Fund. Son premier projet majeur au Burundi, la construction de maisons dans le quartier Miroir de Bujumbura, a été entaché d'accusations de détournements de fonds. Le projet a été exécuté à travers la société Come and see Burundi, une société enregistrée en premier en Australie. Suite à des magouilles opérées, la société a été fermée en Australie. Au Burundi, après le coup fait à la banque de l’habitat BHB, son partenaire dans le projet de construction des maisons du quartier Miroir, la société n’est plus évoquée.
En Australie, où il dirigeait la communauté burundaise de Melbourne, Manirakiza a collecté des fonds de manière controversée, utilisant, révèlent certaines sources en Australie, des méthodes d'intimidation, particulièrement auprès des réfugiés burundais relocalisés. Ces pratiques auraient conduit à son isolement au sein de la communauté burundaise en Australie. Malgré ces antécédents, Manirakiza bénéficie d'un soutien continu des plus hautes autorités du pays, pourtant avisées de ses coups.
Des liens privilégiés avec le pouvoir
Selon des sources proches de la présidence, Manirakiza entretient des relations privilégiées avec le président Évariste Ndayishimiye et surtout avec son épouse Angeline Ndayishimiye. Cette proximité expliquerait l'attribution de marchés importants à Manirakiza sans procédure de mise en concurrence, ainsi que le soutien inhabituel dont il bénéficie de la part des institutions étatiques.
Au cœur des préoccupations se trouve aussi le fonds One Africa Investment Fund, initié par Manirakiza pour financer le projet. Des observateurs avertis craignent que ce fonds ne serve de véhicule pour le blanchiment d'argent de certains hauts responsables. D'autres y voient une potentielle solution de secours pour un gouvernement en manque cruel de devises.
Ce projet rappelle à certains l'affaire de l'Initiative pour le Développement Communautaire (IDC) en 2009, où des milliards de francs burundais avaient été collectés auprès de la population avant que les responsables ne disparaissent. Cette escroquerie n'a jamais fait l'objet de poursuites sérieuses, le président de l'époque, Pierre Nkurunziza, ayant même blâmé les victimes pour leur manque de vigilance.