La pénurie du carburant au Burundi est devenue un cercle vicieux depuis quelques années. Une situation qui se dégrade du jour au lendemain, les échéances de rupture de stocks se rapprochent de plus en plus. Face à ce quotidien sans carburant, les autorités du pays pointent du doigt les importateurs d’être à l’origine de la situation, une explication qui ne convainc plus.
La première explication donnée à la situation dégradante de pénurie de l’or noir au Burundi a été la crise en Ukraine. En s’exprimant sur la question, différentes autorités, répondaient toutes que la pénurie est due à la guerre ukraino-russe. Oui, la guerre a impacté le commerce du carburant partout au monde mais l’impact n’a pas été les ruptures de stocks comme au Burundi mais la hausse du prix à la pompe. Et cela de l’Amérique à l’Afrique en passant par l’Europe. Petit pays oui, mais il ne se trouve pas sur sa propre planète car ses voisins les plus proches, le Rwanda, la RDC, la Tanzanie, l’Ouganda ont tous connu cet impact mais jamais, jamais ils n’ont connu une rupture de stocks tel qu’au Burundi où des voitures peuvent passer 72 h alignées devant des stations-service dans l’attente du carburant.
Après la version de la guerre en Ukraine, une autre explication a été donnée. En date du 10 mai 2022, lors d'une conférence de presse, le président Evariste Ndayishimiye a placé la raison ailleurs. ‘’Le Burundi a augmenté sa consommation en carburant sans augmenter la production qui lui procurera les devises pour l’importation du carburant. Que les burundais comprennent alors et acceptent que le pays n’est plus à mesure d’importer le carburant satisfaisant tout le marché burundais. Jusqu’au jour où on aura augmenté les sources de devises,’’ a dit le Président Evariste Ndayishimiye.
Quelques semaines après cette sortie médiatique, alors que le pays traversait une énième crise de carburant, le numéro un burundais promet à son peuple de se charger lui-même de la question. A cette époque, il a donné un délai d’un mois, ‘’la question sera résolue ‘’. Il a alors promis qu’au Burundi on entendra plus parler de problèmes de manque de carburant. Avec le mois d’août 2022, les burundais s’attendaient à voir les effets de cette solution miracle trouvée par le président Ndayishimiye.
La solution miracle non avouée a été finalement connue. L’importation du carburant a été officiellement confiée à la Régie de Production et de Distribution d’eau et d’électricité au Burundi, la REGIDESO. Plusieurs sociétés qui faisaient jusque-là ce travail, ont été petit à petit écartées. Elles ont été accusées par Gitega de demander des devises soi-disant pour aller importer le carburant sans pour autant le faire, d’ où le travail a été confié à cette société étatique « soucieuse de l’intérêt public ».
A cette période, les stocks ont été réapprovisionnés mais le répit ne dura même pas deux mois. Les pompes des stations-services se retrouvèrent à sec de nouveau. Depuis, la situation va en se dégradant. Les périodes d’approvisionnement deviennent moins nombreuses par rapport aux périodes de rupture de stocks.
Les anciennes sociétés d’importations et de vente de carburant ayant été écartées, naitra une nouvelle société dénommée, PRESTIGE. Comme son nom l’indique d’ailleurs, PRESTIGE attirera l’admiration des décideurs du pays qui lui accorda de gros avantages, plus même que la société étatique REGIDESO. Cette société privée n’est pas au rang des autres écartées ! Parmi les actionnaires, figure la première dame Angéline Ndayishimiye, découvrirons-nous à la suite de nos enquêtes.
Sans parvenir au dénouement de la situation malgré les réformes opérées, une troisième explication est trouvée qui reste d’ailleurs toujours d’actualités, les deux premières ne sont plus évoquées par les dirigeants de Gitega.
‘’Les stocks du Burundi se trouvant en Tanzanie sont pleins à craquer. Des saboteurs juste refusent d’aller apporter le carburant.’’
Une explication donnée par le Président de la République qui qualifie les importateurs de carburant de saboteurs. ‘’Ils possèdent des camions mais refusent d’aller apporter ce carburant plein dans les stocks en Tanzanie. Et si ils l'apportent, ils le vendent à qui ils veulent.’’ A répondu le Président quand on lui a posé cette question à l’occasion de ses 3 ans de pouvoir.
La même réponse a été répétée par sa porte-parole Rosine Guilène Gatoni au cours de la conférence publique tenue par des porte-paroles des différentes institutions jeudi 13 juillet 2023 en province Muramvya.
Dans l’entre temps, les conséquences de cette situation affectent tous les secteurs de la vie du pays. Du déplacement pour aller et rentrer du travail, le déplacement des enfants allant à l’école, aux patients se rendant dans des structures de santé, pour ne citer que cela…..
Comme la pénurie de carburant a rendu la circulation même des produits difficiles dans le pays, les prix des denrées alimentaires et de différents autres services ne cessent de flamber ! Le petit burundais est acculé.
Comment un pays peut passer des mois à ronchonner contre des particuliers ‘’saboteurs’’ comme le Président de la République et ses services les qualifient au lieu de trouver une solution durable au problème? D’aucun serait tenté de se demander à qui profite ce sabotage car si on s’en tient aux explications du président Ndayishimiye, le problème est minime, et donc facile à résoudre. Pour quelle raison ne voit-on pas alors un éclairci à l’horizon ?
De plus, si ces stocks en Tanzanie existent véritablement, n’alimenteraient-ils pas plutôt le marché noir ? Un marché dont les stocks ne tarissent jamais alors que toutes les pompes des stations-service sont presque tout le temps à sec dans tout le pays ? Le marché noir prospère en effet et le prix grimpe au rythme de la pénurie. Dans certains coins, une bouteille d’un litre et demi qui devait dépasser légèrement 5 mille, se vend à 25 mille.
Dans une vision d’un ‘’Burundi, pays émergent en 2040 et pays développé en 2060’’, les dirigeants du pays devraient se rappeler que sans carburant aucun développement ne peut être envisagé, donc Adieu la vision Ndayishimiye !