Les prisonniers politiques au Burundi se voient souvent refuser le droit aux soins de santé pourtant reconnu juridiquement par le régime pénitentiaire. Des cas de décès ont été enregistrés dans différentes maisons carcérales suite à ce refus. De plus, le détournement des vivres destinés aux prisonniers implicitement légalisés par des autorités pénitentiaires accentue la situation alimentaire déjà déplorable des prisonniers qui font face au manque d’hygiène et hébergés dans de mauvaises conditions. Contenu du rapport de l’association "Ensemble pour le Soutien des Défenseurs des Droits Humains en Danger".
L’accès aux soins de santé dans les pénitenciers du Burundi reste discriminatoire selon que le demandeur est un prisonnier de droit commun, prisonnier politique ou d’opinion.
Dans son rapport d’août 2022 intitulé « La prison au Burundi : Réalités entre les quatre murs’ », l’association "Ensemble pour le Soutien des Défenseurs des Droits Humains en Danger", ESDDHD en sigle, montre que les prisonniers mis sous les verrous pour des mobiles politiques ne bénéficient pas ou bénéficient difficilement de l’accès aux soins spécialisés non disponibles à la prison et cela sans la moindre justification valable de ce refus.
A titre illustratif, l’association ESDDHD rappelle le cas du Général Cyrile Ndayirukiye qui, en 2021, a laissé sa vie à la prison de Gitega. Cette association cite également le cas du détenu André Ndagijimana décédé le 8 juillet dernier suite à la violation de son droit aux soins par les responsables de la prison de Ngozi, ainsi que le cas du Général Célestin Ndayisaba qui a difficilement obtenu le droit d'aller se faire soigner au mois de mai dernier après une longue période de maladie à la prison de Muramvya .
Ladite association rappelle que le droit aux soins de santé a été juridiquement matérialisé à travers l’article 33 du régime pénitentiaire. Comme l’explique l’association ESDDHD, cette disposition reconnait aux détenus malades le droit d’être transférés auprès d’une institution médicale en dehors de toute maison carcérale une fois que le rapport médical établit la nécessité de bénéficier des soins spécialisés non disponibles à la prison.
Néanmoins, l’association ESDDHD indique que la raison donnée aux prisonniers politiques pour leur refuser de sortir est soit le risque d’évasion ou soit l’absence d’éléments policiers pour escorte.
Dans la pratique, l’administration pénitentiaire promet de manière incessante et vaine au patient une sortie pour des soins spécialisés au moment où l’autorisation de transfert n’excède pas un mois en termes de validité. De ce fait, le patient se voit contraint de procéder à des renouvellements répétitifs de l’autorisation pendant plusieurs mois voire des années sans aucune suite favorable, explique toujours le rapport de ces défenseurs des droits humains, également victimes de détentions arbitraires dans les prisons burundaises.
L’association ESDDHD déplore que les autorités des différentes prisons contribuent à une dégradation délibérée et volontariste de la santé physique et mentale des prisonniers politiques ou d’opinion. Ce collectif souligne que ces pratiques des autorités pénitentiaires vont même jusqu’à faire disparaître définitivement des patients de cette catégorie de détenus.
Une alimentation insuffisante et détournée
Les prisonniers se trouvant dans différentes prisons centrales du Burundi bénéficient d’une alimentation insuffisante. Celle- ci s’aggrave par le détournement des vivres alloués aux locataires de ces pénitenciers. L’Association « Ensemble pour le soutien des Défenseurs des Droits de l’Homme en Danger » montre qu’une carence des stocks s’observe répétitivement sur plusieurs jours voir des semaines dans les différentes prisons depuis plus d’une année.
En effet, tout détenu a droit à 350g de haricot et 350g de farine de manioc ou de maïs. Mais, les prisonniers parviennent très rarement à avoir une quantité suffisante pour deux repas pendant la journée, comme le révèlent les activistes de l’association ESDDHD. Les témoins oculaires rassemblés au sein de l’association ESDDHD indiquent que bien qu’elle soit insuffisante, cette quantité prescrite ne parvient malheureusement pas en sa totalité aux bénéficiaires. ESDDHD révèle plutôt qu’on assiste à un détournement opéré par les détenus dits capita et les chefs de chambres.
Par ailleurs, l’association ESDDHD indique que les détenus se trouvant dans l’incapacité notoire de s’acheter du bois de chauffage sont mensuellement soutirés de leur quote-part à la restauration à moindre coût. Cette pratique connue sous l’appellation de «Gushira kuri kibisi» est opérée par les mêmes détenus dits « capita » et autres chefs dont la capacité financière le leur permet, précise toujours ESDDHD. Cette situation entraine ainsi le parasitage, étant donné que ces prisonniers démunis deviennent une charge pour leurs colocataires. L’association ESDDHD déplore que ces exactions soient implicitement légalisées par les autorités des différentes maisons carcérales.
Ainsi, ces actes de détournement affectent négativement la santé physique et mentale des détenus qui sont obligés de mener une vie déplorable, explique toujours l’Association « Ensemble pour le soutien des Défenseurs des Droits de l’Homme en Danger ».
Pourtant, le ministère ayant les affaires pénitentiaires dans ses attributions est tenu de s’assurer que les détenus reçoivent une alimentation suffisante midi et soir à l’instar du standard de vie d’autres citoyens, en vertu de l’article 31 du Régime Pénitentiaire et de l’article 54 du Règlement d’Ordre Intérieur des maisons carcérales, rappelle ESDDHD.
Des conditions carcérales horribles
Selon la loi numéro 1/24 du 14 décembre 2017 en son article 32, « Les détenus doivent être hébergés dans des locaux remplissant les conditions minimales de salubrité d’hygiène permettant de garantir la santé physique et mentale des détenus » dans chaque maison carcérale. Malheureusement au Burundi, la situation est contraire à cette loi.
Selon l’association « Ensemble pour le Soutien des Défenseur des Droits Humains en Danger », ESDDHD, les maisons carcérales doivent être bien aérées et éclairées, elles doivent aussi avoir des lits de même que les installations sanitaires sans oublier des douches propres comme s’est mentionné dans l’ensemble des règlements minima des Nations- Unies concernant le traitement des détenus. Néanmoins, cette association est très étonnée de voir que la plupart des détenus au Burundi n’ont pas de matelas, pas d’électricité, ni des douches et non plus des installations sanitaire. Par contre, beaucoup de prisonniers dorment par terre et d’autres sur des planches.
De plus, l’association ESDDHD fait savoir qu’au Burundi la plupart des maisons carcérales contiennent un effectif des détenus qui est au-delà de ceux qui y devraient être emprisonnés. Pire encore, on n’y trouve pas de l’éclairage. Ce qui peut être à l’origine des maladies de vue pour les prisonniers. Les détenus dorment dans des corridors sur des cartons pour ceux qui parviennent à avoir le montant minimum qu’il faut donner au chef de cellule afin de bénéficier de ces cartons. D’autres dorment à même le sol sans même couverture à cause de leur effectif excessif. Les latrines dans ces maisons carcérales sont très insuffisantes.
Souvent, une cellule avec plus de cent détenus n’a qu’une latrine et une seule douche. Ces dernières sont utilisées par tous ces détenus au cas où l’eau est disponible car, les mêmes cellules sont caractérisées par une pénurie régulière de l’eau propre. Une fois disponible, cette eau est maintes fois impropre. Cela n’empêche que les détenus l’utilisent ainsi. Pire est celui des prisonniers mis dans l’isolement. A part que ces détenus sont dans de petites cellules non aérées et sans éclairage, ils sont emprisonnés étant menottés. Ces effectifs excessifs et l’espace insuffisant ne font que provoquer des difficultés pour la respiration de ces détenus et d’autres maladies. Pour ESDDHD, la situation devient souvent plus catastrophique pendant la saison pluvieuse. Durant cette période, les détenus dorment dans la boue. La croix rouge a essayé d’aider les détenus en donnant des tentes mais le problème n’a pas encore été résolu complètement.
Les pannes éventuelles que connaissent ces maisons carcérales qui devraient être réparées par les autorités de ces prisons sont plutôt bricolées par les détenus eux- mêmes. C’est le cas de remplacement des ampoules usées, la réparation des robinets et autres. Le trajet est encore long car aucune solution adéquate face à tous ces problèmes n’a pas encore été trouvée par les responsables concernés, déplore ESDDHD.