L’affaire Sahabo démontre à suffisance l’instrumentalisation du système judiciaire burundais par les puissants responsables impliqués, issus du parti au pouvoir. Constat de l’Initiative pour les Droits de l’Homme au Burundi, IDHB en sigle. A travers son article d’analyse « La Saga du Kira Hospital » publié ce jeudi 20 octobre 2022, cette ONG internationale établit la complicité du Président Evariste Ndayishimiye, de par son inaction face à ce dossier.
Au Burundi, ce sont de puissants agents de l’État, plutôt que des enquêteurs ou des juges, qui décident qui est arrêté et qui est libéré dans des dossiers qui pourraient toucher à leurs intérêts. C’est avec ces mots que l’Initiative des Droits de l’Homme au Burundi déduit qu’au regard de l’ingérence des hauts responsables dans les emprisonnements qui ont caractérisé le dossier du Dr Christophe Sahabo, le système judiciaire est utilisé par les détenteurs du pouvoir pour servir leurs intérêts financiers personnels.
Dans son article d’analyse « La Saga du Kira Hospital » sorti ce jeudi, l’IDHB met un accent particulier sur l’implication d’au moins deux hauts responsables de l’État dans l’affaire liée à cet hôpital, à savoir Charles Ndagijimana, membre du conseil d’administration dudit hôpital et ancien Président de la Cour Constitutionnelle, et Alfred Innocent Museremu, ancien chef du département de renseignement intérieur au service national de renseignement.
Comme l’indique cette organisation, ces puissants du régime CNDD-FDD, dont l’implication dans l’affaire semble avoir été motivée par la cupidité, ont déployé de nombreuses tactiques pour tenter de prendre le contrôle des actifs de l’hôpital, et cela soit pour eux-mêmes ou pour le compte d’autres personnes qui tireraient les ficelles.
De plus, l’IDHB montre que malgré les efforts du Président de la République du Burundi de réaffirmer son autorité et sa prétention incessante de défendre l’indépendance de la justice, Evariste Ndayishimiye se monte réticent ou incapable d’agir pour sévir contre les innombrables violations de la loi qui ont émaillé l’affaire Sahabo. Ici, l’IDHB revient notamment sur l’arrestation de Sandra Ndayizeye, avocate du Dr Christophe Sahabo, cinq jours seulement après sa déclaration d’Evariste Ndayishimiye devant l’Assemblée générale des Nations Unies qui indiquait que la justice équitable pour tous et le respect des droits de l’homme sont une réalité au Burundi.
De même, l’IDHB soutient que contrairement à l’affirmation de Ndayishimiye selon laquelle le gouvernement détient 70% des actions de l’hôpital, la majorité des actionnaires seraient issus du secteur privé. A ce niveau, les chercheurs de l’IDHB établissent le rôle clé joué par Charles Ndagijimana dans les coulisses des événements qui ont suivi l’arrestation de Christophe Sahabo, après les plaintes formelles déposées contre lui par ces actionnaires privés auprès de la SOCABU et des tribunaux.
Pour l’IDHB, Charles Ndagijimana, loyaliste du parti au pouvoir, aurait utilisé, dans cette affaire, les liens étroits qu’il entretient avec le service national des renseignements. C’est en contrepartie de son rôle majeur joué, sous sa présidence de la cour constitutionnelle, dans le maquillage de légalité du troisième mandat contesté de feu le président Pierre Nkurunziza en 2015. Une décision pourtant illégale, selon un arrêt de 2021 de la Cour de justice de l’Afrique de l’Est.
Ingérence du SNR dans le processus judiciaire pour priver au Dr Sahabo son droit à la défense
Le dossier du Docteur Sahabo met à la lumière les stratégies tyranniques utilisées par le Service National des Renseignements, en s’ingérant dans le processus judiciaire. Il s’agit entre autres du constat de l’Initiative pour les Droits Humains au Burundi qui explique que malgré l’assurance du Président Evariste Ndayishimiye que personne n’est au-dessus de la loi, cette institution étatique transgresse cette dernière dans l’exécution du mandat qui lui a été conféré.
En effet, à travers son analyse, l’IDHB condamne notamment la détention pendant six semaines de l’ancien directeur de cet Hôpital, Christophe Sahabo, au cachot du Service National des Renseignements. Cette organisation souligne que pendant tout ce temps, le Docteur Sahabo n’avait pas accès ni à ses avocats, ni à sa famille, à l’exception d’une personne qui n’a été autorisée qu’à lui apporter de la nourriture.
Selon toujours l’IDHB, le Dr Sahabo aurait par la suite signé sa lettre de démission sous la pression des agents de ladite institution, avant d’être finalement déféré devant un magistrat le 16 mai.
De surcroît, les chercheurs de l’IDHB déplorent le fait que les hauts responsables de l’Etat, via les agents du Service National des Renseignements, décident qui peut faire des affaires judiciaires et qui ne le peut pas, et cela sans la moindre objection des magistrats.
A titre d’exemple, l’IDHB rappelle qu’après l’arrestation de l’avocate de Sahabo, Sandra Ndayizeye, par le Service des Renseignements burundais, le procureur a accusé l’avocate notamment de parler au nom de son client, lui privant ainsi de son droit le plus absolu, et qui ne constitue pas pourtant une infraction, comme le déclare toujours l’IDHB.
De même, l’IDHB fait savoir que d’autres avocats impliqués dans l’affaire ont reçu des menaces anonymes, les incitants à retirer leur contrat avec les principaux actionnaires de l’hôpital, après que Sandra Ndayizeye a révoqué les services qui le liaient à son client, le Dr Christophe Sahabo. Les spécialistes de l’organisation internationale IDHB dénoncent également le silence strictement exigée par le procureur à Sandra Ndayizeye, à Étienne Sahabo ainsi qu’à Joseph Bakanibona, en échange de la liberté provisoire offerte par ce magistrat a ces détenus le 7 octobre.
L’IDHB s’inquiète qu’après tout ce qui s’est passé, d’autres avocats pourraient hésiter à prendre en charge le dossier du Dr Sahabo, portant ainsi atteinte à son droit à la défense et à désigner un avocat de son choix.
En définitive, les spécialistes œuvrant au sein de l’IDHB ainsi que différents observateurs concertés par cette organisation se demandent si Evariste Ndayishimiye devrait continuer à protéger les puissants responsables de l’Etat impliqués dans les violations de la loi qui ont caractérisé le dossier du Dr Christophe Sahabo.