Des « fiches » sont livrées aux directeurs d’école pour que les enseignants puissent remplir et indiquer leur Etat-civil, les études faites et l’ethnie d’origine, selon une de ces fiches dont nous nous sommes procurés une copie.
Ce recensement cause des inquiétudes au sein du corps enseignant d’autant plus que Bujumbura où ils résident connaît l’insécurité. Ces fiches, selon les enseignants, « pourraient être utilisées pour des motifs criminels en ce qui concerne leur travail et leur sécurité ». Raison pour laquelle, plusieurs enseignants ont refusé de remplir ces fiches.
Un enseignant nous explique les raisons de cette obstruction à ce recensement : « Ils nous demandent d’indiquer notre ethnie, notre domiciliation et notre numéro de téléphone. Aucun enseignant ne donne plus de leçons en toute tranquillité » remarque cet instituteur qui ajoute : « Nous vivons une période agitée. Ces dirigeants qui nous gouvernent ont droit de vie et de mort sur nous ». Raison pour laquelle les enseignants ne remplissent pas ces fiches, conclut-il.
Informé de ce recensement, Emmanuel Mashandari, le Président du syndicat enseignant CONAPES s’est adressé aux responsables de l’administration centrale « J’ai contacté le Directeur des ressources Humaines au Ministère ayant l’enseignement dans ses attributions qui n’était pas au courant lui aussi de cette situation. A son tour, il a appelé le Directeur Provincial de l’Enseignement ». Tous ces responsables ignoraient tout de ce recensement s’indigne Mashandari. Ce n’est pourtant pas la première fois que cette tentative de recensement a été mise à l’essai, renchérit le syndicaliste. « L’année passée, nous avons eu vent d’une histoire similaire. Un tel recensement a été lancé par le Ministère de l’Intérieur ».
Et le syndicaliste de s’interroger sur les « initiateurs » de ce recensement au moment où les responsables de l’Enseignement ignorent cette situation.
Les enseignants décidés à ne pas remplir ces fiches demandent aux responsables de l’éducation des éclaircissements à ce propos. « Les Directeurs se sont donnés le droit de remplir ces fiches. Nous demandons à ce qu’ils arrêtent ! » s’insurge un enseignant qui exige l’arrêt du recensement.
Le syndicat CONAPES, par le biais de son président, exige aussi une clarification : « Nous demandons aux concepteurs de cette fiche de nous approcher pour d’amples explications. S’il s’agit d’un acte posé pour le bien de tous, nous allons le soutenir ; dans le cas contraire, il faudrait arrêter ce recensement ! »
Justement, à propos de ce recensement dans le milieu enseignant, le Directeur Provincial de Bujumbura reconnaît être l’initiateur de ces fiches. Rénovat Nzeyimana va jusqu’à avouer que le Ministère de tutelle ne l’a pas mandaté pour effectuer ce recensement, dans une interview accordée à la radio nationale. Il ajoute toutefois que les cases destinées à l’ethnie ont par après été supprimées de ces fiches controversées mais n’explique pas l’objectif de son geste.
Ce recensement dans le milieu enseignant vient d’être lancé après celui des forces de défense et de sécurité qui est effectué par le Sénat.
Le Président de la coalition de l’opposition ADC-IKIBIRI, Léonce NGENDAKUMANA, dénonce « la violation des Accords d’Arusha et de la Constitution », lesquels accords d’Arusha et la constitution « ont permis de trouver des solutions au problème ethnique qui avait paralysé le Burundi plus de trente années ».
Ces Accords d’Arusha ont rendu aussi possible « les mécanismes de partage du pouvoir au sein du gouvernement et des corps de défense et de sécurité » renchérit le politicien burundais.A Arusha, s’indigne Léonce NGENDAKUMANA, « les signataires n’ont jamais prévu de recensement du corps enseignant, la création de troubles au sein de ce personnel et des élèves surtout en ces périodes d’examens ! ». Aussi, les élèves ne peuvent-ils vaquer le cœur paisible à la préparation des examens avec ce recensement, s’exclame le Président de l’ADC IKIBIRI qui revient sur l’exception du recensement au sein des corps de défense et de sécurité, pour prévenir les coups d’Etat et les tentatives de discrimination d’un groupe ethnique vis-à-vis d’un autre au sein de ces corps.
Pour le moment, le Ministère de l’éducation nationale ne s’est pas encore prononcé sur ce recensement à base ethnique opéré par la DPE dans la ville de Bujumbura.