Tout commence avec le forcing du président Nkurunziza à briguer un 3ème mandat. Malgré les mises en garde de la presse, de la société civile et de la communauté internationale, le Chef de l’Etat s’est entêté contre l’avis des uns et des autres même dans ses propres camps.
Au lendemain de la proclamation officielle de sa candidature, des descentes populaires dans la rue se sont manifestées à Bujumbura et même à l’intérieur du pays. Celles-ci ont été violement et aveuglement réprimées entraînant une centaine de morts, plus de huit cent blessés, jetant des milliers de burundais en exile et en emprisonnant des centaines d’autres, sans oublier les torture horribles qu’ont subis certains burundais. Tout cela pour avoir manifesté contre la violation de la constitution Burundaise et pour le respect de l’Accord d’Arusha en ce qui est des mandats présidentiels.
L’Accord d’Arusha prévoyait l’alternance des commandements entre les ex-partis et mouvements politique armés (PMPA) et les anciennes forces armées burundaise (ex-FAB). Apres le coup d’Etat avorté du 13 mai 2015, le Ministre de la Défense Pontien GACIYUBWENGE était limogé et remplacé par un civil, Emmanuel NTAHONVUKIYE. Celui-ci est taxé par des observateurs avisés en politique d’être un membre de la ligue Imbonerakure du parti au pouvoir et d’avoir été placé à ce poste par l’ancien patron du Service National des Renseignements Adolphe Nshimirimana aujourd’hui décédé.
Tensions sur fond de meurtres et enlèvements
Depuis donc le coup d’Etat manqué du 13 mai 2015, nombreux officiers ont déserté l’armée pour prendre le chemin de l’exil. Parmi eux, le Général Major Godefroid NIYOMBARE (ex-PMPA) ancien chef d’Etat major de l’armée et Administrateur Général du Service National des Renseignements, on citera aussi le Général de Brigade HABARUGIRA Directeur Général de l’administration générale à l’état major, le Colonel Simon NAHIMANA qui dirigeait la 120ème Brigade, le Lieutenant Colonel NDUWAMUNGU à la tête du 11ème bataillon et bien d’autres a l’instar du Général NIYIBIGIRA et du Général Leonard NGANDAKUMANA.
D’autres haut gradés ont été arrêtés et emprisonnés dont le Général Major Cyril NDAYIRUKUYE, le Général Major NIYUNGEKO surnommé KIROHO, le Général Zénon NDABANEZE, le Général NIMENYA, le Colonel Michel KAZUNGU, le colonel Sylvestre MIKOKORO, le Colonel à la retraite Jean Bosco DARADANGWE, le lieutenant Colonel Richard HAGABIMANA, le Major Salvator BAPFUTWABO, le Capitaine Pascal FURUGUTA etc. Tous arrêtés sur présomption de participation proche ou lointaine au putsch manqué du 13 mai.
Dans cette valse d’arrestations, d’emprisonnements et de pressions par l’exil, le Président NKURUNZIZA a déjà entamé des manœuvres au sein de l’auditorat militaire visant à renvoyer tous ces hauts gradés des forces armées, comme nous le confirme des sources militaires. En témoigne par ailleurs un récent décret présidentiel daté du 7 août 2015 qui nomme de nouveaux officiers au sein de la Cour militaire et au conseil de guerre. Le constat est que parmi les gradés ciblés, plus de 80% sont issus des anciennes Forces Armées Burundaises (FAB). Cette chasse à l’homme a spécialement visé les ex-FAB tandis que les ex-PMPA ont été gratifiés de hautes responsabilités. C’est le cas par exemple du Général Major Silas NTIRWURIGWA qui avait participé à la préparation du coup d’Etat aux côtés du Général Major NIYOMBARE, mais nommé au lendemain du coup d’Etat Directeur Général de l’Institut National de Sécurité Sociale (INSS). Sur le même tableau figure le Major Eliezer à la tête du 412ème bataillon. Il avait déserté de son poste le jour du putsch mais n’a jamais été inquiété parce que ancien PMPA et parenté de Zénon NDARUVUKANYE, ancien Gouverneur de la province Bujumbura récemment intégré dans le comité des sages du CNDD-FDD, organe qui dirige le parti au pouvoir.
Depuis lors, des tensions dans la police et l’armée se sont accentuées. Il était rapporté des nuits dans les camps où ex-PMPA et ex-FAB se regardaient en chien de faïence. C’est dans cette atmosphère délétère que le 2 août 2015, un commando non encore identifié a assassiné le Général Adolphe NSIMIRIMANA. Le lendemain, Pierre Claver MBONIMPA, président de l’APRODH, échappe de peu à la mort visé par balle au cou et à la joue par des individus armés à bord d’une moto. Le surlendemain, le 4 août 2015, le Lieutenant Colonel SINDAYE alias GAFUNI à la tête du 11ème Bataillon, est grièvement blessé et succombera à ses blessures une journée après. Ce haut gradé avait été primé par le Président Nkurunziza le 1er juillet pour son rôle qu’il avait joué en protégeant la Radio Télévision Nationale (RTNB) lors du putsch manqué.
Dans ce même climat de peur et de suspicions, une vague de mutations et d’arrestations
Celles-ci visent exclusivement les ex-FAB. Juste après l’assassinat du Général NSHIMIRIMANA, le Commandant du camp Ngagara est arrêté. Le Lieutenant Colonel NDENZAKO sera relâché après avoir été torturé à l’aide d’un coup de poignard dans la tête. Selon des sources militaires, le Lieutenant Colonel NDENZAKO aurait bénéficié de l’intervention d’un officier ex-PMPA qui demandait aux tortionnaires de ne pas agir dans la précipitation. L’après midi de ce même 2 août 2015, à la gare du Nord de Kamenge, le Caporal Chef Alexis SEBAHENE, ancienne escorte du Ministre de la Défense Pontien GACIYUBWENGE est arrêté. Le Caporal Chef Ernest NYABENDA est arrêté le 9 août à Musaga alors qu’il se dirigeait au camp Para pour obtempérer à un ordre de mutation après qu’il ait remis son arme. D’autres soldats comme NIYONZIMA ont été enlevés. Le Caporal Chef NANGAME, également de l’ancienne garde du Général GACIYUBWENGE, a été enlevé dans les mêmes circonstances puis présenté par le Procureur Général de la République Valentin BAGORIKUNDA comme un des rebelles ayant participé à l’attaque de Kayanza et Cibitoke. A côté de cela, des centaines de militaires ex-FAB ont été mutés systématiquement de la 1ère région militaire vers d’autres régions comme la 2ème, la 3ème et la 5ème.
Dernièrement la série noire a continué parmi les ex-FAB. Le Lieutenant Colonel Serges NDUWAYO était grièvement blessé à la grenade et aurait perdu une jambe. Samedi 15 août 2015, alors que le Colonel à la retraite Jean BIKOMAGU rentrait de la messe de la fête de l’Assomption, il est atteint par balles droit en plein cœur et rend son âme sur le champ devant son domicile. Sa fille a été grièvement blessée par des personnes non encore identifiées. BIKOMAGU est un ancien officier de l’armée Burundaise qui a notamment été chef d’état Major durant une partie de la guerre civile et a servi à ce poste sous 3 Présidents : Melchior NDADAYE, Cyprien NTARYAMIRA, Sylvestre NTIBANTUNGANYA et pour une brève période Pierre BUYOYA.
Ironie du cynisme et non respect du deuil qui affermit la thèse du complot contre les ex-FAB, le porte-parole du Président NKURUNZIZA a fait une sortie médiatique plutôt ratée: il a demandé à la famille du Colonel BIKOMAGU de se retenir à l’instar de celle du Général Adolphe NSHIMIRIMANA (ex-PMPA).
Le harcèlement contre les ex-FAB se poursuit
Ce Dimanche 16 août, le Major Claver NAHIMANA surnommé GAKANYA du bataillon marine a été enlevé par les agents de la police présidentielle dénommée Appuis aux Institutions (API), alors qu’il se trouvait dans un bar de Kigobe. Il a été tabassé et torturé par la suite au su et au vu d’un public composé essentiellement de civils, selon certaines sources. Une manière de montrer que le harcèlement contre les ex-FAB est un programme télécommandé par le sommet de l’Etat.
Ce haut gradé serait poursuivi à cause d’une intervention faite lors de la dernière causerie morale tenue par le Ministre de l’époque Pontien GACIYUBWENGE, avec les officiers de la garnison de Bujumbura et commandants de régions. Au cours de cette rencontre, le Major Claver NAHIMANA s’inquiétait de réunions clandestines organisées par le club NONOKA. Ce dernier rassemblait exclusivement les officiers de l’ancienne rébellion du CNDD-FDD à l’insu des autres officiers. Il avait également des appréhensions à propos de l’entrainement paramilitaire et l’armement des milices Imbonerakure. Des informations de fraiche date rapportent que sa vie a été sauvée in extremis sur intervention d’un haut gradé de l’armée. Il a été relâché ce lundi 17 août après avoir passé la nuit aux cachots de la police militaire(PM).
Aujourd’hui, tout le monde s’interroge sur les éléments politiques et sécuritaires du Burundi. De ces dures épreuves, certains observateurs prédisent l’imprévision de l’armée du moment que les ex-FAB sont considérés comme les parias des corps de défense et de sécurité. Un paradoxe alors qu’en leur sein se trouve le Directeur Général de la police, le Général NDAYAMBAJE, le chef d’état major adjoint et interarmes le Général Major Fabien NZISABIRA et le Général de Brigade NDAYISHIMIYE surnommé Paysan, tous des anciens FAB qui regardent ces tragiques événements, selon l’adage africain « comme une vache dans l’attente d’un orage imminent ».