Tout commence avec les multiples plaintes des militants du parti au pouvoir CNDD-FDD, en même temps parents de certaines des jeunes filles envoyées dans les pays du Golf, qui se sont adressés à la direction du parti pour exiger le rapatriement de leurs enfants. Ces réactions vives ont été suscitées par la peur des abus dont sont victimes ces jeunes filles dans les pays de destination, des révélations d’abus faites par les organisations de la société civile.
D’après des sources proches de la Présidence, le Conseiller chargé des questions sociales et culturelles aurait averti le Président Pierre Nkurunziza dans une correspondance que « la question de trafic humain risque de créer des divisions au sein du parti CNDD-FDD ». Parallèlement, le Ministre burundais des Relations Extérieures Alain Aimé Nyamitwe a lui aussi adressé une note au Président Nkurunziza pour lui préciser que « même les pays voisins ont interdit ce genre de trafic humain », poursuivent nos sources.
Autant d’éléments qui ont poussé la police à changer de version pour enfin reconnaître l’existence de trafic humain. Toutefois, samedi dernier la police a donné deux versions des faits.
La première sur RFI, le porte-parole de la police Pierre Nkurikiye a balayé d’un revers de la main les allégations de la société civile : « ils disent qu’il y a eu un grand nombre de personnes, de fillettes qui ont voyagé à bord de tel ou tel avion. Mais ils oublient que pour une personne majeure, elle a le droit de voyager….Une fois arrivé dans ces pays de destination, il y a des représentations du Burundi qui vérifient ce qui arrive aux ressortissants Burundais. Jusqu’à maintenant, il n’y a pas de rapport de ces représentations qui indiquent qu’il y aurait eu des traitements inhumains qui ont été infligés à ces Burundaises ou Burundais qui se rendent dans ces pays », a-t-il déclaré.
Le même jour, le porte-parole de la police donne une autre interview sur une radio locale où il annonce l’existence d’un réseau de trafiquant humain au Burundi : « ils travaillent en connivence avec des Burundais. Ce sont eux qui cherchent des jeunes filles, changent leur âge et leur trouvent de faux papiers qui attestent qu’elles peuvent aller travailler à l’étranger », a indiqué Pierre Nkurikiye.
Il révèle ainsi que 267 jeunes filles ont été déportées par 11 sociétés. Selon le porte-parole de la police, des suspects ont été appréhendés. « Le réseau était constitué par 7 personnes qui ont été appréhendées. Il s’agit de trois Burundais et quatre Kenyans. La police a aussi identifié onze sociétés impliquées dans ce trafic des êtres humains : quatre compagnies sont au Burundi, quatre en Arabie Saoudite, deux en Oman et une autre au Kenya », ajoute Pierre Nkurikiye.
Des sources proches du parti CNDD-FDD précisent que la police aurait agi ainsi sur injonction des hautes autorités du pays. Par ailleurs, ces enquêtes n’étaient pas difficiles puisque non seulement ce dossier de trafic humain est traité dans les hautes instances du parti et du pouvoir CNDD-FDD, mais c’est aussi un dossier connu par le Président Nkurunziza pour avoir lui-même mentionné lors d’une émission publique en décembre 2015 que deux pays du Moyen Orient lui ont demandé de leur fournir « une main d’œuvre de 120.000 personnes ».