Le Conseil de Sécurité de l'ONU veut envoyer une Police au Burundi: Une décision très contestée
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Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté le 1er avril 2016 une résolution qui prévoit l’envoi de policiers au Burundi. Ce texte, malgré son adoption à l’unanimité, s’est heurté au refus des Etats-Unis jugeant son contenu imprécis. Du côté de la classe politique burundaise et de la société civile, c’est le rejet total d’une telle proposition car des policiers ne viendraient en rien mettre un terme à la répression sanglante du pouvoir de Bujumbura.
Cette résolution est une proposition de la France que l’Ambassadeur auprès de l’ONU a expliqué en ces termes : « nous avons besoin que les Nations Unies soient davantage présentes sur le terrain ». Toutefois, la résolution ne mentionne pas encore l’envoi de policiers. C’est le Secrétaire Général de l’ONU qui devra proposer d’ici peu des options au Conseil de Sécurité pour l’envoi de policiers de l’ONU.
Le texte adopté n’a pas également précisé le nombre de policiers qui seraient déployés, ni les moyens qui seraient mis à leur disposition. Il précise que l’objectif est « d’accroître la capacité des Nations Unies à suivre la situation sécuritaire, promouvoir le respect des droits de l’homme et à faire avancer l’état de droit ».
Les Etats-Unis s’étaient opposés bien avant la réunion du Conseil de sécurité à cette proposition de la France qui table sur une centaine de policiers. Pour Washington, le texte était « imprécis » notamment en ce qui concerne le « désarmement » qui faisait partie du texte initial, avant qu’il ne soit retiré dans sa version finale. Selon un diplomate à l’ONU cité par AFP, cet aspect de désarmement pourrait être une source de problème car le Gouvernement burundais a lancé une campagne de désarmement « qui vise de manière brutale les opposants » : « Nous ne voulons pas que l’ONU travaille avec le Gouvernement dans le désarmement » a déclaré ce diplomate.
Cette imprécision de la résolution semble ravir Bujumbura. L’Ambassadeur auprès de l’ONU, Albert Shingiro, a déclaré que « le pays ne tolérerait au maximum qu’une vingtaine ou une trentaine de policiers experts ou observateurs non armés » ajoutant dans un autre tweet que « la résolution 2279 est un succès diplomatique majeur pour le Gouvernement du Burundi.. ».
La société civile et l’opposition burundaises accusent la France de soutenir le Président Nkurunziza
Contacté par la rédaction, le Délégué général du FORSC, une des organisations engagée dans la campagne « Halte au 3ème mandat », exprime ses inquiétudes de voir la communauté internationale piétiner à nouveau quant à la crise au Burundi alors que l’ONU a fait le constat de crimes graves commis dans le pays.
« C’est très étonnant d’entendre dire qu’ils vont envoyer des policiers ! Ces policiers ne pourront rien faire, ils ne pourront rien sauver surtout qu’ils annoncent que ce seront des observateurs. Le Burundi n’a pas besoin d’observateurs ; il a besoin de personnes capables d’arrêter le génocide et les crimes commis par Nkurunziza » déclare Me Vital Nshimirimana.
Le Délégué Général du FORSC s’étonne aussi de l’attitude de la France en proposant un texte qui pour lui démontre « une stratégie inavouée de soutenir le Président Nkurunziza et son plan de génocide ».
Pour Vital Nshimirimana, si les Nations Unies sont incapables de déployer les 5.000 hommes proposés il y a quelques mois par l’Union Africaine, « qu’on nous renvoi nos militaires en mission de maintien de la paix pour venir assurer la sécurité des citoyens » conclut le Délégué général du FORSC.
La réaction est également vive du côté de la classe politique d’opposition. Le président du parti Frodebu et de la coalition ADC s’oppose catégoriquement à l’envoi de policiers de l’ONU : « nous n’avons pas besoin d’observateurs mais plutôt de militaires qui viendraient désarmer les ‘’Imbonerakure’’, les policiers et les militaires qui s’en prennent à la population ».
Léonce Ngendakumana dénonce à son tour la France et l’accuse de soutenir ouvertement le Président Nkurunziza : « nous avons suffisamment de preuves qui démontrent le soutien de la France à Nkurunziza. Avant les élections, j’ai rencontré l’Ambassadeur de France au Burundi qui a tenté de me convaincre qu’entre la loi et la sécurité, nous devions accepter d’enfreindre la loi, entendez ici l’Accord d’Arusha et la Constitution, pour que Pierre Nkurunziza ne commette le pire » martèle l’opposant.
Le président du parti Frodebu ajoute que le même diplomate a réitéré l’appel devant ses homologues de l’Union Européenne : « il nous a dit que si nous continuons à exiger le respect des lois, le Président allait user de la violence. L’Ambassadeur nous a dit alors de le laisser diriger car cinq ans n’étaient pas si longs que cela ! ». Léonce Ngendakumana conclut en rappelant que malgré ce soutien de la France au pouvoir de Bujumbura, « le Burundi et les Burundais ne lui appartiennent pas ».
Depuis le début de la crise déclenchée par l’annonce du Président Nkurunziza de briguer un 3ème mandat jugé illégal par l’opposition, la société civile et la communauté internationale, plus de 450 personnes ont été tuées selon l’ONU et plus de 250.000 se sont réfugiées dans la sous-région. L’association APRODH dénombre pour sa part plus de 690 personnes tuées dans un récent rapport publié.
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