Dimanche, 29 mars 2020, de 14 heures à 16 heures …
Les Imbonerakure partagent un verre avec un militant du Congrès National pour la Liberté dans un bistrot de la zone Mahwa.
Quelques minutes plus tard, les Imbonerakure entonnent des chansons du parti Cndd-Fdd. Jean-Bosco Ngabirano, militant du CNL, entonne, lui aussi, des chansons de son parti.
Vers 16 heures, de passage dans la zone, l’administrateur de la commune Ryansoro entre dans le bistrot et prend un verre. Le chef des Imbonerakure de la zone Mahwa Elie Nimubona dit à l’administrateur Seconde Ndayisenga que le sac à dos que porte le militant du CNL contient du chanvre.
« Emmenez-le-moi ! », ordonne l’administrateur aux Imbonerakure. Le militant du CNL Jean-Bosco Ngabirano semble plus fort que le chef des Imbonerakure Elie Nimubona et parvient à s’échapper. Apparemment, d’une manière temporaire.
Dimanche, à 18 heures …
Ces jeunes Imbonerakure empêchent la population de passer tout près de la vallée de Gasenyi. Mais la population entend des cris et des gémissements dans la zone « interdite ». Quelques minutes plus tard, ces Imbonerakure viennent se laver les mains devant les bistrots de Mahwa. Les habitants pensent qu’ils ont du sang sur les mains.
Lundi matin, 30 mars 2020 …
La population découvre le corps de Jean-Bosco Ngabirano tout près de la vallée de Gasenyi, plus précisément dans la localité de Musabiko sur la colline Kampezi. Selon la population, c’est dans le domaine de l’ITABU-Mahwa (Institut des Travaux Agricoles du Burundi) où un Imbonerakure connu sous le nom de Bienvenu est employé dans les travaux de moulin.
A première vue, la victime a été égorgée et poignardée en pleine poitrine. Le visage plein de sang et déformé.
Malgré, l’appel pressant des autorités administratives et policières, la population refuse d’enterrer le corps de Jean-Bosco Ngabirano aussi longtemps que les Imbonerakure Elie Nimubona, Godefroid Ntigoheka, Donatien Ciza, Vianney Manirakiza et Bienvenu ne sont pas arrêtés. Ils laissent le corps sur place.
Lundi, à 20 heures …
Quelques policiers déplacent le corps de Jean-Bosco Ngabirano vers le centre de santé de Mahwa. Dans la même nuit, le cadavre est placé sur un lit de l’une des pièces du centre de santé. Pas de chambre froide. Pas de morgue. La population suit toute la scène.
Mardi matin, 31 mars 2020 …
La population se rassemble en masse devant le centre de santé de Mahwa. Elle réclame l’arrestation des présumés auteurs de l’assassinat avant d’enterrer la victime. L’administrateur de la commune Ryansoro est également sur place. L’administrateur Seconde Ndayisenga demande à la population d’inhumer le corps et lui promet que les enquêtes vont démarrer. La population rejette la demande de l’administrateur.
Mercredi matin, 1er avril 2020 …
Le chef de la zone Mahwa annonce à la population présente devant le centre de santé de Mahwa que les présumés auteurs de l’assassinat de Jean-Bosco Ngabirano sont introuvables mais que les avis de recherche ont été lancés.
La population pose alors une autre condition. Elle demande de voir le cadavre pour vérifier si tous ses organes sont au complet. Ceux qui l’ont assassiné lui auraient arraché le cœur et les organes génitaux, murmure-t-elle. « Nous n’allons pas l’enterrer si l’un ou l’autre organe a été coupé », insistent ces habitants de Ryansoro.
Mercredi, vers 17 heures …
Les autorités administratives demandent aux habitants de Ryansoro de rentrer chez eux pour revenir le lendemain. Le motif évoqué c’est le manque des produits de nettoyage et de désinfection de la chambre où repose le cadavre. Certains habitants pensent que les autorités ont l’intention de leur cacher que le corps de Jean Bosco Ngabirano est mutilé.
Jeudi matin, 2 avril 2020 …
Après la désinfection de la pièce dans laquelle repose le corps, la population découvre que la langue de la victime a été coupée. Le bras de fer continue. La population refuse d’enterrer le cadavre qui se décompose progressivement. Vers 13 heures, les habitants de Ryansoro, qui étaient venus en grand nombre au centre de santé de Mahwa, rentrent chez eux. Les autorités s’impatientent.
Jeudi, vers 17 heures 30 minutes …
Escorté par plusieurs policiers, le gouverneur de la province Gitega survient devant un bistrot de Mahwa et embarque le père de la victime dans son véhicule. Il le conduit vers le centre de santé de Mahwa. Certains habitants de Mahwa pensent que le but est de procéder à l’inhumation forcée de la victime. Le père de Jean-Bosco Ngabirano échappe à la vigilance des policiers et rentre chez lui quelques minutes plus tard.
Jeudi, vers 19 heures …
L’inhumation forcée de Jean-Bosco Ngabirano se tient au cimetière de la localité de Kamashi sous la supervision du gouverneur Venant Manirambona à l’absence de la famille de la victime et des habitants de Ryansoro. La tombe a été creusée la veille sur ordre de l’administrateur de la commune Ryansoro Seconde Ndayisenga.
Elie Nimubona admet qu’il était dans le bistrot quand tout a commencé
Le chef des jeunes du parti au pouvoir Cndd-Fdd à Mahwa rejette toutefois son implication dans l’assassinat de Jean-Bosco Ngabirano. « C’était en pleine journée, à la même heure d’ailleurs (N.D.L.R vers 16h). Personne ne l’a plus revu. Nous avons seulement eu l’information sur ce qui lui est arrivé. Personne ne l’a poursuivi à vrai dire », a-t-il répondu à la rédaction de la RPA.
Mais il dit savoir pourquoi Jean-Bosco Ngabirano a été assassiné
Pour Elie Nimubona, Jean-Bosco Ngabirano n’a pas été assassiné pour des mobiles politiques. « Non quand même. Qu’ils ne prétendent pas qu’il était membre du CNL. Qu’ils avouent plutôt que c’était un voleur. Il n’a pas été victime de ses convictions politiques », précise-t-il.
Les Imbonerakure ont convenablement accompli leur mission
C’est ce qu’a dit le chef de la zone Mahwa Gaspard Ngendakuriyo quand la rédaction de la RPA lui a demandé ce qui s’est réellement passé sur ce cas d’assassinat de Jean Bosco Ngabirano. «Tu veux savoir comment ça s’est passé ? C’était d’une manière claire, c’est terminé, ça s’est agréablement bien passé, ils l’ont assassiné.» s’est félicité Gaspard Ngendakuriyo.
Les habitants de Ryansoro et Rutovu réclament justice mais …
Ils ne font pas confiance aux institutions. « Les administrateurs, les chefs collinaires, les chefs des zones, le gouverneur et beaucoup d’autres institutions du pays sont là mais ne font rien alors que ces gens l’ont tué en pleine journée. C’est comme si ces tueurs sont protégés. Nous, les citoyens, se sommes pas du tout tranquilles parce que demain et après-demain, ces tueurs vont assassiner d’autres personnes et seront encore une fois protégés », déplore un habitant de Ryansoro qui demande à la justice de faire son travail dans le dossier d’assassinat de Jean Bosco Ngabirano.
Le gouverneur de la province Gitega Venant Manirambona et l’administrateur de la commune Ryansoro Seconde Ndayisenga n’ont pas voulu s’exprimer sur l’assassinat de ce jeune homme de 25 ans.