Un certain jeudi 13 Juillet 2017, vers 6 heures du matin, Germain RUKUKI s’est réveillé encerclé par une armada de policiers. Une fois à l’intérieur de son domicile sis au Quartier 6 en zone NGAGARA, ils ont procédé à une fouille perquisition qui n’a rien donné. Ils l’ont alors arrêté sans mandat et ont réquisitionné l’ordinateur de son épouse. Escorté par quatre pick-up de la police, Germain RUKUKI a ensuite été conduit à l’Association des Juristes Catholiques du Burundi pour réquisitionner son ordinateur et des documents. L’opération était menée par l’officier de police judiciaire municipale, Alexis NDAYIKENGURUKIYE alias NKOROKA qui s'est présenté sous une fausse identité lors de cette opération, se faisant passé pour un certain Jean-Pierre. L’arrestation de Germain RUKUKI fut confirmée, le même jour, par le porte-parole de la police. Selon Pierre NKURIKIYE, cet activiste burundais des droits de l’homme était accusé d’atteinte à la sûreté de l’Etat.
Qui est en réalité Germain RUKUKI ?
Germain RUKUKI est activiste des droits de l’homme depuis 2004 en tant que membre de l'Action Chrétienne contre l’Abolition de la Torture, ACAT Burundi. Depuis 2006, et à titre de bénévolat, il a effectué des actions de visites monitoring dans les différents cachots et prisons se trouvant sur le territoire Burundais et ceci pour le suivi des cas d'arrestations arbitraires, cas de tortures et autres traitements inhumains et dégradants des détenus. En 2010, il a été engagé comme assistant administratif auprès de l'équipe de l'Union Européenne chargé de l’observation des élections de 2010 au Burundi.
Depuis 2011 jusqu'à la suspension de l'ACAT-Burundi, il était responsable administratif et financier. Jusqu’au jour de son arrestation, il travaillait à l'AJCB (Association des Juristes Catholiques du Burundi) en tant que chargé des finances et administration. Il est également fondateur et représentant légal de NJABUTSA TUJANE, une association agréée le 5 janvier 2012 et qui contribuait à la sécurité alimentaire à travers l'encadrement des différents groupements communautaires de l'intérieur du pays. Le défenseur des droits de l’homme Germain RUKUKI est âgé de 40 ans. Il est marié et père de trois enfants.
Condamné après 10 mois de détention et au bout de 4 audiences son procès a été émaillé de plusieurs irrégularités.
Après 14 jours de détention, le 26 juillet 2017, Germain RUKUKI a été transféré à la prison de Ngozi, sans avoir été auditionné auparavant par le magistrat du parquet qui l’a placé sous mandat d’arrêt. Sa première audition par un magistrat représentant le ministère public depuis son arrestation n’a eu lieu que le 1er Août 2017. Durant cette audition, Germain RUKUKI a été accusé formellement d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat et de rébellion pour avoir collaboré avec l’ACAT-Burundi.
Le 25 août 2017, le greffe du Tribunal de grande instance de Ntahangwa a notifié à Germain RUKUKI l’ordonnance de maintien en détention, prise par la Chambre de conseil le 17 Août 2017. Le même jour, l’équipe de défense de Germain RUKUKI a interjeté appel contre cette ordonnance devant la Cour d’appel de Bujumbura. Le 27 octobre 2017, la Cour d’appel de Bujumbura a entendu les parties durant une audience à la prison de Ngozi, avant de mettre l’affaire en délibéré. Durant l’audience, la parole a été accordée à Germain RUKUKI et ses avocats, qui ont expliqué que l’appel était fondé sur l’absence d’indices sérieux de culpabilité, puisque l’échange d’e-mails sur lequel se base l’accusation du Ministère public date de la période où l’ACAT-Burundi exerçait légalement ses activités au Burundi. Ils ont ainsi demandé la mise en liberté de Germain RUKUKI. Les avocats de la défense ont également souligné que plusieurs violations flagrantes des règles de procédure pénale avaient été commises depuis l’arrestation arbitraire de Germain RUKUKI, incluant l’absence de présentation d’un mandat d’amener lors de son arrestation, son interrogatoire dans les locaux du Service National des Renseignements en l’absence de ses avocats et la mise sous mandat d’arrêt sans instruction préalable, ni présence de ses avocats. Le 31 Octobre 2017, la Cour d’appel de Bujumbura a confirmé le maintien en détention de Germain RUKUKI. Le 13 Février 2018, le tribunal de grande instance de Ntahangwa a prononcé de nouvelles charges à l’encontre de Germain RUKUKI, à savoir « assassinat de militaires, policiers et civils », « dégradation des édifices publics et privés », et « volonté de changer le régime élu démocratiquement ». Jusqu’alors, la défense de Germain RUKUKI n’a eu accès qu’à trois pièces de son dossier, qui en contient 174.
De plus, Germain RUKUKI a été assigné à comparaître à l’audience le jour-même où il a comparu, en violation du délai de huit jours imposé par la loi, entre la date d’assignation et celle de comparution. Enfin, l’introduction des trois nouveaux chefs d’accusations n’a pas été précédée d’une période d’instruction. La défense a donc ainsi fait valoir que l’assignation de Germain RUKUKI à cette audience était irrégulière. Le 26 Avril 2018, le tribunal de grande instance de Ntahangwa a condamné Germain RUKUKI à 32 ans d’emprisonnement pour « mouvement insurrectionnel », « atteinte à la sûreté intérieure de l’État » et « rébellion ». Ni Germain RUKUKI, ni ses avocats, n’étaient présents à la lecture de la sentence.
Les Défenseurs des droits de l’homme burundais qualifient ce procès d’illégal
Selon les défenseurs burundais des droits de l’homme, Germain RUKUKI n’est victime que de son activisme dans la défense des droits de l’homme. La coalition burundaise des organisations de défenseurs de droit de l’homme demande avec insistance la libération immédiate de Germain RUKUKI pour qu’il puisse se faire soigner.
« La coalition des défenseurs des droits humains burundais qui est la communauté des défenseurs des droits humains du Burundi dénonce encore une fois la détention arbitraire, injuste et illégale du défenseur des droits humains Germain RUKUKI , qui vient de compléter une année de détention et qui vit un calvaire sans précédent dans la prison de Ngozi alors qu’il n’a commis aucun crime. Nous sommes choqués par le comportement de la justice burundaise qui fait tout pour organiser des représailles au nom de l’Etat qui organise des représailles à l’endroit des défenseurs des droits humains. Nous demandons avec une plus grande insistance à la justice burundaise de se ressaisir afin notamment d’accorder la liberté provisoire à Germain RUKUKI pour qu’il puisse bénéficier des soins appropriés inhérents à sa santé qui, aujourd’hui, est fortement menacée. Nous demandons également que les garanties de l’accès à un procès équitable soient accordées à Germain RUKUKI dans les prochaines étapes. » Plaide Maitre Vital NSHIMIRIMANA, membre de la coalition burundaise des organisations de défense des droits de l’homme.
La communauté internationale trouve également la peine infligée à cet activiste burundais trop lourde et injuste
La FIACAT ne lâchera d’un iota quant à plaider pour la libération de Germain RUKUKI. Non seulement sa détention est illégale, mais aussi la peine lourde lui infligée est inacceptable. Souligne Sabrina BIGNIER, Directrice Exécutive de la FIACAT. Cette dernière ajoute que toutes les organisations internationales concernées par la défense des droits humains sont mobilisées afin que justice soit faite à Germain RUKUKI, et par conséquent, pour sa libération dans l’immédiat.
« C’est la première fois qu’un membre d’une ACAT est arrêté de cette manière et condamné à une peine aussi lourde. Il faut savoir que Germain, la seule chose qu’il lui est reprochée, c’est d’avoir été membre de l’ACAT avant son interdiction. Le dossier de l’accusation est complètement vide. Il a été condamné à 32 ans. C’est la peine la plus lourde prononcée contre un défenseur des droits de l’homme burundais. La FIACAT et les ACAT continueront à se battre pour la libération immédiate de Germain. La FIACAT travaille en étroite collaboration avec un grand nombre d’organisations internationales et en travaillant ensemble on sera plus fort. Nous travaillons également avec les Nations-Unies, avec la commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Le cas de Germain est connu de toutes les instances internationales et régionales. Tout le monde se mobilise et on veille à ce que ces organisations internationales et régionales continuent de se mobiliser pour la libération immédiate de Germain. De notre côté, on continue à faire un vrai plaidoyer auprès de nos autorités, c’est-à-dire la FIACAT, auprès des autorités françaises, toutes les ACAT au sein de leurs pays pour que les ambassades continuent à rappeler au ministère de la justice burundais de l’importance de libérer le défenseur des droits de l’homme qu’est Germain ». Fait savoir Sabrina BIGNIER, Directrice Exécutive de la FIACAT.
Le parlement européen exhorté le gouvernement burundais à libérer immédiatement Germain RUKUKI.
Plusieurs organisations locales et internationales ont dénoncé l’arrestation de Germain RUKUKI dès le mois de Juillet 2017. Dans son communiqué du 9 Août 2017, l’organisation Protection International a insisté sur la demande de sa libération immédiate. Protection International a également demandé qu’une attention soutenue soit portée pour garantir l’intégrité physique et psychologique pour ce défenseur des droits de l’homme qui venait de passer des jours dans les cachots du SNR avant de comparaître au tribunal. Le premier Novembre de la même année, au lendemain de la confirmation de son maintien en détention par la cour d’appel de Bujumbura, l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme a appelé les autorités à procéder à sa libération immédiate et inconditionnelle. L’observatoire a également demandé au gouvernement burundais de garantir le respect de son droit à un procès équitable au cours de l’ensemble des procédures engagées à son encontre. Le 27 Juin dernier, c’est la Commission onusienne d’enquête sur le Burundi qui a alerté à son tour. Germain RUKUKI venait d’écoper de 32 ans de prison pour atteinte à la sûreté intérieure de l’État. Pour ces enquêteurs, le procès a été inéquitable, surtout au regard du manque d’indépendance du système judiciaire. Enfin l’un des très récents appels c’est celui du parlement européen qui date d’il y a une semaine. Dans leur résolution, les parlementaires européens demandent la libération immédiate et sans condition de Nestor NIBITANGA, Emmanuel NSHIMIRIMANA, Aimé Constant GATORE, Marius NIZIGAMA, et Germain RUKUKI, cinq défenseurs des droits de l’homme qui, selon eux, ont été placés en détention au seul motif de leurs activités en faveur des droits de l’homme.