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Radio Publique Africaine
“La voix des sans voix”

La Fragmentation de l’opposition burundaise, à l’origine de l’enlisement de la crise

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La crise burundaise perdure, l’opposition politique comme armée se fragilise et la médiation est improductive. Telles sont quelques-unes des analyses d’un expert en risques et conflits, de la situation au Burundi. Analyses que Thierry Vircoulon, consultant à International Crisis Group, a expliquées dans un entretien accordé à la RPA

 

RPA : Thierry Vircoulon, vous êtes chercheur dans la région des grands lacs dont le Burundi, et ce dernier est en crise depuis deux ans déjà. Quelle analyse faites-vous de la situation actuelle ?

 

THIERRY VIRCOULON : Cette crise s’est enlisée maintenant. Premièrement, les tentatives de négociations sous l’égide de l’ancien président tanzanien et de l’EAC ont échoué. Il n’y a pas eu le début même d’un vrai dialogue. Par conséquent une solution de la crise par la négociation pour le moment ne s’est pas matérialisée.

 

Sur le terrain, la situation elle aussi est stagnante dans la mesure où on continue à voir d’une part la répression gouvernementale et d’autre part, des actions sporadiques très  ponctuelles, des jets de grenades et ces autres manifestations de l’opposition armée.

 

Et puis une des raisons pour lesquelles, la situation est stagnante, est qu’on sent que l’opposition se fragmente voire s’effrite  puisqu’il y a certains membres de l’opposition en exil, qui ont répondu positivement aux sollicitations du gouvernement pour revenir d’une part, et d’autre part on voit qu’il n’y a pas une vraie unité dans l’opposition politique ni d’ailleurs dans l’opposition armée.

 

RPA : Et selon vous qu’est-ce qui bloque pour que l’opposition burundaise puisse mettre ensemble ses forces ?

 

THIERRY VIRCOULON : Si on regarde du côté de l’opposition politique comme de l’opposition armée, on voit bien que l’opposition burundaise est extrêmement divisée, elle est travaillée par le mal du divisionnisme, si  je puis dire et elle n’a jamais réussi à s’unir. Ceci n’est pas nouveau parce que si on regardait la situation qu’il y avait à l’époque des négociations d’Arusha, c’était la même chose. On avait une pluralité de forces qui étaient divisées et c’était aussi la même chose dans l’opposition armée. Donc c’est une constante de l’histoire burundaise cette division aussi bien des forces de l’opposition armée, que de l’opposition politique. Et par conséquent on imagine difficilement que cette division puisse cesser. Pour le moment on ne voit pas d’évolution, au contraire, plus le temps passe plus on a l’impression qu’il y a une fragmentation de l’opposition et non pas son unification. 

 

RPA : Et quels sont facteurs de ces divisions  que vous qualifiez de ‘’constante de l’histoire burundaise ‘’?

 

THIERRY VIRCOULON: Quand on regarde différentes formations politiques burundaises, il y a des allégeances politiques, tout ce qui s’est passé depuis vingt ans. Les trahisons des uns et des autres, les rivalités des uns des autres, je pense notamment aussi bien du côté Hutu, entre les anciens grands politiciens Hutu que du  côté Tutsi.

 

Je crois aussi qu’il y a un élément très fort qui est la structuration régionale du pouvoir au Burundi, qui fait que si on appartient à certains clans régionaux par conséquent, on a du mal à travailler avec d’autres.

 

Une autre chose qui joue à mon avis, un rôle assez important, c’est la question de l’argent parce que évidemment travailler en commun ça suppose de mettre aussi les moyens financiers en commun. Je pense que là aussi, il y a encore des vraies  réticences à aller dans cette direction.

 

Un quatrième facteur à ne pas négliger, comme il y a des allers retours de certains politiciens, les gens qui ont retournés leurs vestes dans le passé, il y a aussi un manque de confiance entre les uns et les autres. Ce manque de confiance s’est accentué aussi par les tentatives d’infiltration de l’opposition par le gouvernement burundais. Donc tant qu’on sera dans cette situation, l’incapacité de l’opposition à se réunir continuera à jouer en faveur du gouvernement.

 

RPA : Des mouvements armés se sont déjà déclarés, représentent-ils réellement une menace au régime de Bujumbura?

 

THIERRY VIRCOULON : Si on analyse la situation depuis deux ans, on peut constater que l’opposition armée ne représente qu’une épine dans le pied du pouvoir, mais ce n’est certainement pas une épine qui  va  le déstabiliser. La création récente des Forces Populaires du Burundi (FPB) n’est pas un signe de renforcement de l’opposition armée ; c’est au contraire un signe de sa faiblesse, puisque on voit qu’il y a plein de mouvements donc elle se fragmente davantage. De cette façon, elle envoie comme ça au pouvoir, le signe de son affaiblissement.

 

RPA : En parlant justement des mouvements armés, on remarque qu’ils comptent dans leurs rangs beaucoup de militaires qui ont déserté car menacés, que dites-vous des tensions au sein du corps de défense burundais ?

 

THIERRY VIRCOULON : Ces tensions ont été  très fortes, je pense dès l’après putsch de 2015 jusqu’à la fin 2016. Je pense que maintenant ces tensions sont en train de s’apaiser et de se calmer avec le temps et avec la capture de l’institution militaire par le pouvoir. On entend en tout cas de moins en moins d’incidents à l’intérieur de l’institution militaire, ils savent que celle-ci a été reprise en main très vigoureusement par le pouvoir.

 

RPA : Comment le pouvoir s’y est pris ?

 

THIERRY VIRCOULON : Par des purges d’une part, et par la mise à l’écart d’un certains nombres d’éléments. Par l’arrestation aussi et la condamnation d’autres. On a vu notamment en 2016 que la répression gouvernementale a ciblé particulièrement les ex-FAB retraités parce que ce sont en majorité de Bururi et donc ils sont soupçonnés de comploter avec des groupes armés. Et évidemment   compte tenu de l’histoire, il y avait aussi un élément de revenge historique contre eux, puisqu’ils symbolisent l’ancien pouvoir militaire Tutsi. C’est comme ça que le pouvoir s’y est pris pour reprendre en main l’institution militaire et maintenant il la contrôle assez entièrement.

 

Une autre chose, c’est parce que les militaires burundais gagnent beaucoup d’argent en allant dans ces missions et par conséquent tiennent à participer à ces missions et à cette opportunité de multiplier leurs salaires par dix, voire plus. Maintenant à peu près toute l’armée burundaise a fait des rotations à l’extérieur du pays notamment en Somalie. Financièrement c’est une solution gagnant-gagnant pour les militaires et le gouvernement, et c’est ce qui explique en grande partie le fait que l’armée ne se révolte pas. Elle, elle a des gains financiers importants grâce à ces missions. Il existe quelques cas de désertions de ces missions de maintien de la paix et la plupart du temps, les gens qui ont déserté, ont déserté parce qu’ils arrivaient à la fin de leur missions et qu’ils devraient rentrer au Burundi.

 

RPA : La campagne ‘’Bring back our soldiers’’ a été lancée par la société civile burundaise pour réclamer le renvoi des troupes burundaises, qu’elles rentrent protéger la population burundaise, pourquoi cet appel semble passer inaperçu ?

 

THIERRY VIRCOULON : Pourquoi est-ce qu’on ne remplace pas les contingents burundais ? Je pense que, tout simplement parce que soit, on n’a pas vraiment cherché de remplaçant soit, il y a pas de candidats pour remplacer les contingents burundais.

 

En tout cas en Somalie, il est clair qu’ils sont là depuis 2007 et qu’ils ont démontré leur utilité sur le terrain, par conséquent c’est un peu difficile de les remplacer. Et en ce qui concerne la Minusca en Centrafrique, c’est une mission qui estime qu’elle n’a pas assez de troupes et de bonnes troupes, par conséquent alors elle ne veut pas se défaire du contingent burundais pour le moment sans qu’il y ait un remplaçant.

 

Alors est-ce qu’un remplaçant a été cherché ou non? C’est une bonne question.

 

RPA : Mr Vircoulon, qu’en est-il des négociations inter burundais ?

 

THIERRY VIRCOULON : La médiation n’a rien produit, elle est dans l’impasse. Elle est dans l’impasse parce que le gouvernement ne souhaite pas véritablement négocier puis  elle est aussi dans l’impasse parce que les gens qui ont mandaté le président Mkapa, c’est-à-dire les présidents de la communauté Est-africaine ne veulent pas faire pression sur le gouvernement pour qu’il négocie. Le président Mkapa a clairement dit dans un de ses derniers rapports qu’il était maintenant arrivé à bout de ce qu’il pouvait faire et que c’était au tour des présidents de l’East african comuminuty d’essayer de pousser Bujumbura à négocier. Or ceux-ci ne l’ont pas fait, et n’ont probablement pas l’intention de le faire. Maintenant cette situation crée un équilibre en faveur du pouvoir, et par conséquent celui-ci déroule son agenda tandis que l’opposition en exil et le médiateur ne sont pas capables d’avancer leurs propres agendas et de faire évoluer ou d’influencer la situation dans le sens où ils le voudraient. Donc on est dans un rapport de force favorable au gouvernement, par conséquent on reste dans cette impasse.

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