Pacifique Ninihazwe, président de cette association, indique que ce trafic concerne principalement les filles et femmes burundaises rapatriées.
« Le FOCODE est entré en contact avec une soixantaine de personnes dont plusieurs filles victimes du trafic à Oman, les familles des victimes dans plusieurs provinces du pays, les trafiquants, les agents de l’Aéroport de Bujumbura, les employés des différentes structures de l’Etat et les burundais vivant en Oman, Arabie Saoudite et Dubaï », indique ce rapport.
Le FOCODE fait savoir que ces filles et femmes burundaises sont conduites vers le sultanat d’Oman et le royaume d’Arabie Saoudite. « L’exemple typique est celui des filles et femmes qui ont été arrêtées le 30 mai 2016. Leur familles résident dans la province de Cankuzo et leur filles étaient sous les menaces de l’autorité provinciale du parti présidentielle », peut-on lire dans ce rapport.
Les informations recueillies confirment l’existence de ce trafic, malgré que la police semble prendre à la légère ce phénomène : « En moins de 24 heures, la police est passée de 2 à 267 victimes. Cela depuis le 19 Avril 2016 sans aucun détail fourni par la police », indique le président du FOCODE. L’association de son côté a pu répertorier « au moins 225 départs des filles et femmes » vers l’Arabie Saoudite et Oman dans la période de deux semaines seulement. « Du 3 au 1O juin, 87 filles sont parties en Oman, 89 en Arabie Saoudite sur les vols KQ 448 et ET806 » précise toujours cette enquête. Pour la semaine du 11 au 15 juin, 40 filles sont parties en Oman sur les vols KQ448.
Le FOCODE souligne cependant que ces trafiquants travaillent souvent avec les individus isolés qui sont en contact avec les personnes vivant en Oman et en Arabie Saoudite, ceux qui sont connectés aux agences omanaises et saoudiennes en charge du recrutement des femmes de ménages et des individus très connus dans le monde musulman. « L’autre catégorie est celle des réseaux kenyans qui ont décidé de se rabattre sur le Burundi après l’interdiction du trafic des filles en Ethiopie, au Kenya et en Ouganda », révèle cette enquête tout en indiquant qu’il y’a aussi d’autres trafiquants qui sont parvenus à se faire enregistrer comme société.
Le Focode démontre l’implication du gouvernement burundais et la police dans ce trafic humain
« Certaines sociétés de recrutement collaborent étroitement avec le parti présidentiel. Ces sociétés sont légalement enregistrées à l’Agence pour la Promotion de l’Investissement (API) et disposent des bureaux bien connus », indique Pacifique Nininahazwe.
Le FOCODE fournit l’exemple de ‘’SALLAH Arzel Feli Burundi’’, ‘’Royal Service’’ et ‘’International Recruiting Campany’’, trois sociétés qui ont les mêmes actionnaires et même objectifs sociaux. « Elles sont enregistrées à l’API et ont comme actionnaires Mohamed Nzisabira et Ali Niyonkuru », souligne le rapport sur ce trafic humain.
Pacifique Nininahazwe indique qu’il y a d’autres personnalités qui travaillent avec ces trafiquants. « C’est notamment celles qui ont livré des passeports de manière groupée avec des facilités extraordinaires aux trafiquants, l’aéroport international de Bujumbura, mais aussi le Service National des Renseignements à Bujumbura » précise-t-il en ajoutant aussi que chaque fille livrée revenait à une somme de 400 dollars Américains.
Pacifique Ninihazwe pointe du doigt aussi la Ministre de la santé publique pour avoir demandé à l’hôpital ‘’Kira hospital’’ d’effectuer des examens pour une société de trafiquants. Il regrette toutefois le fait que le ministre des relations extérieures, Alain Aimé Nyamitwe, « s’est tût alors qu’il était au courant du calvaire que vivaient ces filles burundaises dans ces pays ».
« L’on avait déjà été au courant de l’implication de la police burundaise dans ce trafic » ajoute le président du FOCODE. Pacifique Nininahazwe cite ainsi l’OPP 1 Montfort Mboneraho, commissaire municipale de la police de Bujumbura, qui est aussi originaire de la province de Bubanza. « Ce policier a, à lui seul, recruté 200 filles de la commune Musigati. Il les a convoyées vers Bujumbura à bord d’un bus de transport en commun conduit par un certain Saidi. Toutes ces filles ont déjà été vendues », affirme Nininahazwe.
Le CNDD-FDD occupe une place très significative au cœur de ce trafic.
« Les dossiers de recrutement étaient déposées dans les permanences du parti au pouvoir dans différentes province du pays et ces activités étaient coordonnées par les responsables de ce parti », constate le FOCODE.
Il donne l’exemple d’Anglebert Ngendabanka, député du CNDD-FDD élu dans la province de Cankuzo, le député Domitien Bavakure de la province Karuzi, Juvenal Havyarimana de Bubanza et Ildefonse Kirimwumugabo, le président du CNDD-FDD dans la province de Muyinga.
Au niveau National, précise le FOCODE, « le député Victor Burikukiye, premier vice-président de ce parti, aurait coordonné toutes les activités de recrutement » ajoute président du FOCODE.
Il fournit aussi l’exemple de certains responsables du parti au pouvoir dans la province de Bubanza. « Ils ont vendu leurs propres filles et épouses suite aux mensonges » dénonce le FOCODE. Pacifique Nininahazwe cite le cas d’une femme, membre du conseil communal à Musigati, ainsi que l’épouse de l’inspecteur communal de l’enseignement dans cette même commune. « Elles seraient déjà parties », indique-t-il. « Certains responsables du parti CNDD-FDD à Gihanga ont commencé à rapatrier les leurs pour échapper à ce phénomène », affirme le président du FOCODE.
Dans ce trafic humain, le parti présidentiel aurait trouvé un enjeu financier et compte recruter 200 filles par commune : « c’est donc 25.000 filles sur tout le territoire national », s’alarme le FOCODE dans son rapport. Selon toujours le rapport, « cela leur rapporterait au moins 50 milliards de francs burundais, vu que chaque fille est vendue au prix de 1.000 euros ».
Le FOCODE exige dès lors aux autorités burundaises de mettre fin à ce trafic humain, d’assister les victimes et les témoins et de sanctionner les auteurs de ce « crime contre l’humanité ».
Il exhorte enfin le Haut Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme de mettre en place une commission d’enquête indépendante sur ce trafic et d’appuyer les organisations burundaises dans les opérations de sauvetage des burundaises en détresse en Oman et en Arabie Saoudite, conclut le rapport.