Les jeunes de l'ethnie tutsie ont peur de s'enrôler à l'armée, conséquence de la répression subie par leurs ainés
Le porte-parole de l'armée a lancé un appel pressant aux jeunes de l'ethnie tutsi de se faire enrôler à l'armée burundaise. Cet appel intervient après le constat d'une prépondérance des jeunes hutus qui ont répondu massivement aux recrutements en cours au niveau des provinces. Les jeunes de l'ethnie tutsie boudent ce recrutement, car ils considèrent que se faire enrôler à l'armée est aujourd'hui synonyme de suicide.
Jusqu'au 4 novembre 2016, ils étaient 683 jeunes candidats officiers dont seulement 103 de l'ethnie tutsi et 550 de l'ethnie hutu. Selon Gaspard Baratuza, porte-parole de l'armée, le nombre de tutsi qui se sont inscrits est très bas par rapport aux années précédentes.
Pour lui, il s'agit d'un désintéressement : « nous avons déjà constaté que dans certaines Provinces comme Cankuzo et Ruyigi, le nombre de tutsis inscrits est très faible. Cela va sans dire qu'ils sont désintéressés », précise Baratuza.
Les jeunes de l'ethnie tutsie estiment pour leur part que s'enrôler revient au suicide. « A voir le nombre de tutsis qui ont été emprisonnés injustement, d'autres tués à l'instar de feu Nyongera, cela signifie que même ceux qui veulent entrer dans ces corps ont peur de subir le même sort ; vu que même le peu de tutsis qui sont toujours à l'armée cherchent à sortir de ce corps », nous confie un jeune tutsi.
Un autre motif qui pousse ces jeunes à ne pas s'engager dans l'armée, c'est que le pouvoir actuel semble vouloir instaurer à tout prix une armée « mono ethnique ».
« Aucun tutsi n'est motivé pour adhérer à une armée à vision mono ethnique. Même si nous n'avons pas d'autre travail, nous préférons mourir de faim au lieu de foncer tout droit vers une mort certaine », ajoute un autre jeune réticent à s'enrôler.
Ces inquiétudes semblent fondées, à voir le discours du porte-parole de l'armée, qui se désole de cette absence d'une partie de la jeunesse burundaise. Le Colonel Baratuza, sans le dire ouvertement, insinue par ailleurs que même si les quotas ethniques doivent être respectés, il pourrait y avoir changement. « Il y a un très grand écart et vous savez que nous devons respecter les quotas ethniques tel que 50/50 si rien ne change », indique l'officier.
Les quotas ethniques sont en effet bien définis, que ce soit dans la Constitution burundaise ou dans les accords d'Arusha qui prévoient 50% de représentation pour chaque ethnie dans l'armée. Cela étant, dans certaines provinces, « des hutus seraient en train de s'enrôler sous la casquette tutsi », nous révèlent des sources.
« Le gouvernement Nkurunziza a instauré un climat de méfiance et d'insécurité au sein des corps de défense et de sécurité »
L'ancien vice-président de la République accuse le gouvernement et le Président Nkurunziza d'avoir « préparé cette situation ». Bernard Busokoza parle de destruction de l'armée.
« Dans le temps, quand on entrait à l'armée, on y allait très fièrement car on savait qu'on allait servir le pays et que le pays nous respectait. Les autorités protégeaient les membres de défense et de sécurité. Et aujourd'hui qu'est-ce qui se passe ? On est en train de détruire les corps de défense et de sécurité. On est en train d’installer un climat d'insécurité généralisée pour les membres de l'ethnie tutsi », dénonce l'ancien officier de l'armée burundaise.
Bernard Busokoza dénonce par ailleurs l'attitude des jeunes Imbonerakure qu'il qualifie de milice au-dessus des corps de défense et de sécurité.
« Aujourd'hui, ce sont les miliciens Imbonerakure qui commandent l'armée. Les corps de défense et de sécurité subissent les commandements de ces derniers. Ils ne se sentent pas fiers. Si les membres des corps de défense et sécurité se font arrêter arbitrairement, mis à mort, exécutés sans aucune raison, comment est-ce qu'ils peuvent avoir confiance pour entrer à l'armée ? Et cette situation a été créée par le pouvoir qui l'entretient », ajoute l'ancien vice-Président.
Pour Busokoza, le recrutement en cours vise seulement à « légaliser les Imbonerakure ». Ils vont prétendre que les membres de la communauté tutsie n'entrent plus à l'armée, ajoute l'ancien officier, et vont recruter les Imbonerakure.
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