Dossier Sapor : Un cas qui révèle tout un dysfonctionnement du régime Ndayishimiye
Huit mois après l’octroi de la Licence de production, le Bureau Burundais de Normalisation et de contrôle de qualité BBN retire la Licence de production de Sapor Wine. Une mesure qui intervient trois jours après des déclarations faites par le président de la République. Sans prendre de mesures, le président Evariste Ndayishimiye a qualifié la boisson de poison.
« Sapor n’est pas un vin. La boisson n’est pas obtenue par la fermentation alcoolique de fruits ou de jus de fruits. » A expliqué ce 16 juillet, Jérémie Ngezahayo, le directeur général du BBN.
Cette annonce suivie de la mesure de suspension de production et vente de Sapor est tombée trois jours après les déclarations du président de la République. Samedi 13 juillet, s’adressant à la population de Kayanza à la fin de la séance des travaux communautaires, le président Evariste Ndayishimiye s’en est pris à cette boisson. « C’est du poison que vous êtes en train de consommer pour nous priver d’atteindre la vision 2040-2060. Des hommes sont de plus en plus faibles, improductifs. » Malgré son constat, le président Ndayishimiye n'a annoncé à cette population aucune mesure prise pour la protéger. Il a plutôt exhorté les autorités locales à protéger leurs gouvernés.
La licence de production de Sapor avait été octroyée le 03 novembre 2023. Le BBN dit ne pas prendre cette mesure suite aux déclarations du président de la République, mais plutôt que « c’est après analyses entamées depuis juin dernier. »
Le BBN a décidé de retirer cette licence, car, « les résultats d’évaluation de la surveillance du marché et d’audit de surveillance ont montré que la boisson n’est pas conforme aux normes. »
Toutefois, Jérémie Ngenzahayo a tenu à préciser que les analyses n’ont trouvé rien de nuisible dans la boisson. « Sapor ne contient rien de toxique, pas même le méthanol. La boisson est juste très alcoolisée. » A déclaré Jérémie Ngenzahayo.
La commercialisation et la production de Sapor sont suspendues après une longue période d’alerte sur les effets dévastateurs de cette boisson. Un sujet qui a même été débattu au Parlement. Lors de ces séances, la ministre du commerce a reconnu que la boisson est nuisible, mais qu’au lieu de suspendre sa production et sa commercialisation, ils ont arrêté d’autres mesures, car, « elle apporte beaucoup aux caisses de l’État. »
Des avis divergent sur des mesures qui devraient accompagner cette suspension de production et commercialisation de Sapor.
Pour l’ancien président de l’Assemblée Nationale, Léonce Ngendakumana le dossier Sapor montre un dysfonctionnement qui règne au sein du gouvernement. « Non seulement le dossier prouve l’incompréhension, par certains dirigeants du pays, de la politique du président, mais aussi, il montre qu’il y a un manque de collaboration entre le président de la République et les membres de son gouvernement. Comme il l’a d’ailleurs lui-même avoué. » Réagit Léonce Ngendakumana qui demande au président de la République de prendre des mesures qui s’imposent contre deux membres de son gouvernement. La ministre du commerce pour avoir laissé la commercialisation d’une boisson qu’elle-même reconnait être nuisible à la santé des consommateurs, et le ministre des finances que l’ancien président de l’Assemblée Nationale juge de complice, car il a osé encaisser des fonds provenant des boissons nuisibles.
Le parti Sahwanya Frodebu pour sa part, réclame le limogeage de la ministre du commerce, mais aussi du responsable du Bureau Burundais de Normalisation BBN, « qui ne fait pas le suivi régulier des activités de l’usine. » Le Sahwanya Frodebu réclame aussi des sanctions contre l’entreprise qui n’a pas respecté les normes.
L’ONG Parole et Actions pour le Réveil des Consciences et l’Evolution des Mentalités, PARCEM, elle, trouve que le cas risque de se répéter. BBN devrait être doté de la technologie moderne, du personnel suffisant et qualifié ainsi que des fonds nécessaires pour être à la hauteur des autres centres de contrôle de qualité, plaide le président de PARCEM.
Faustin Ndikumana rappelle que jusque-là les boissons et autres produits alimentaires exportés du Burundi n’inspirent pas tous confiance, car BBN ne répond pas aux standards de certification internationale. Même les produits qui entrent ne sont pas fiables à 100%, déplore le président de PARCEM.
Le cas comme celui de Sapor montre que l’environnement des affaires reste lacunaire au Burundi. Les organes du pays ne sont encore forts et outillés pour prendre de bonnes mesures. « Les investisseurs reçoivent des autorisations à travailler, investissent pour être, peu de temps après, interdits à travailler. La situation n’est pas rassurante pour attirer de vrais investisseurs. » Regrette Faustin Ndikumana.