Burundi : La presse est libre….. de se taire sous l’ère CNDD-FDD

Depuis l’arrivée du CNDD-FDD au pouvoir en 2005, la liberté de la presse au Burundi s’est progressivement éteinte sous le poids de la répression. Le pays a connu une chute libre dans les classements internationaux, des assassinats, des arrestations, des exils forcés, et des médias muselés. Le paysage médiatique burundais porte les stigmates d’une répression persistante.
En 2005, année de l’arrivée du CNDD-FDD au pouvoir, le Burundi occupait la 90e place sur 167 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse. Un an plus tard, cette liberté avait déjà été compromise : le classement établi par Reporters Sans Frontières (RSF) en 2006 montrait que le Burundi avait perdu 35 places, se retrouvant à la 125e position. La liberté de la presse a été bafouée par le pouvoir CNDD-FDD, tout comme d’autres droits fondamentaux des citoyens. Le Burundi a régressé jusqu’à rejoindre la liste des 20 pays au monde où la liberté de la presse est la plus menacée, notamment durant les années 2017 et 2020.
En vingt ans de pouvoir du CNDD-FDD, des journalistes ont été tués, emprisonnés, malmenés ; des radios et autres médias ont été suspendus, attaqués et incendiés par le pouvoir. Plus d’une centaine de journalistes ont fui le pays en 2015 et vivent encore aujourd’hui en exil. Depuis 2006, le CNDD-FDD a commencé à emprisonner des journalistes en raison de leur profession. Jusqu’à aujourd’hui, en 2025, au moins 12 journalistes ont été incarcérés sous ce régime, dont Sandra Muhoza, détenue depuis un an. Deux journalistes ont été assassinés, de nombreux autres ont été malmenés ou traduits en justice ; certains ont été brièvement emprisonnés.
Pour entraver la liberté d’informer, le régime du CNDD-FDD utilise aussi la législation et les institutions nationales. Le Conseil National de la Communication (CNC) est largement utilisé pour permettre au pouvoir de contrôler la profession, surtout lors des périodes électorales. Depuis 2005, le CNDD-FDD a modifié à quatre reprises la loi régissant la presse, y introduisant parfois des obstacles pour les journalistes. Un semblant d’apaisement a été constaté avec la loi sur la presse en vigueur depuis 2024, qui a supprimé la peine de prison pour certaines fautes professionnelles. Cependant, la prudence reste de mise : ces fautes pourraient être requalifiées pour permettre la poursuite des arrestations arbitraires, comme cela se fait pour d’autres personnes détenues sans motif valable.
Les professionnels des médias déplorent un recul indescriptible de la liberté de la presse.
Innocent Muhozi, journaliste depuis 40 ans, déplore qu’actuellement le Burundi est à un niveau inférieur à celui qu’il avait dans les années 1990 en ce qui concerne la liberté de la presse. Il explique que sous le parti unique, les médias publics étaient les seuls existants et travaillaient dans un cadre strict. « Entre 1991 et l’arrivée du CNDD-FDD, le pays avait atteint un niveau satisfaisant de liberté de la presse, en avance par rapport à plusieurs pays, y compris certains d’Europe. Le président Nkurunziza avait promis qu’aucun journaliste ne serait plus emprisonné, mais dès 2006, les journalistes ont commencé à être arrêtés et persécutés. Aujourd’hui, plus de 100 journalistes sont en exil. »
Innocent Muhozi explique que durant les périodes où il y avait un peu de liberté, les journalistes essayaient tant bien que mal de lutter pour la liberté de leur métier. Ils restaient en confrontation permanente avec le régime CNDD-FDD jusqu’à ce que le pire arrive en 2015. Il rappelle à titre illustratif l’emprisonnement en 2013 du journaliste de Bonesha, Hassan Ruvakuki, pour lequel les journalistes se sont levés et ont exigé sa libération. Condamné à perpétuité, Ruvakuki a été libéré après deux ans de détention grâce à ces revendications. « La situation s’est empirée progressivement, sans changement soudain. Nous avons continué à lutter jusqu’à ce que la situation déborde, comme c’est le cas aujourd’hui. Nous étions souvent convoqués par le CNC, nous nous affrontions et faisions des bras de fer pour la liberté de la presse, parfois nous trouvions des compromis, parfois non. Jusqu’en 2015, où le pire est arrivé : la mort, avec des attaques aux armes lourdes contre les médias. »
Innocent Muhozi ne comprend pas ceux qui prétendent que la situation s’est améliorée alors que les attaques contre les stations radio et télévision n’ont pas encore été évoquées pour établir les responsabilités. « Je me demande quel est le but de ceux qui disent cela! »
Innocent Muhozi a commencé sa carrière de journaliste en 1984. De 1995 à 2003, il a été Directeur Général de la Radio Télévision Nationale du Burundi (RTNB) avant de créer sa propre chaîne, la Radiotélévision Renaissance.