Le régime Nkurunziza a sur son agenda, la révision de la loi fondamentale. Le projet est déjà en cours de préparation. Dans sa réflexion sur la révision constitutionnelle au Burundi sortie ce mois de septembre, l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI) parle d’une manœuvre du pouvoir Cndd-fdd pour légaliser le monopole politique.
Thierry Vircoulon, chercheur associé à IFRI s’est entretenu avec la RPA.
RPA : Thierry Vircoulon, vous venez de publier une note de réflexion sur le projet de révision de la constitution au Burundi, qu’est ce qui, selon vos analyses, gênerait le pouvoir Cndd-fdd et qui motive cet amendement ?
THIERRY VIRCOULON: Ce projet de révision constitutionnelle devrait permettre au pouvoir de mettre en conformité le texte constitutionnel avec la réalité du pouvoir maintenant au Burundi puisque, la constitution a été largement modelée sur l’Accord d’Arusha et donc instaure un système de partage de pouvoir. Evidemment depuis 2015, au Burundi il n’y a plus de système de partage du pouvoir mais un monopole politique de fait par le Cndd-fdd. Donc l’objectif de cette révision constitutionnelle, ce serait de mettre fin à ce système de pouvoir.
Pour comprendre les dispositions constitutionnelles qui risquent d’être modifiées, il faut se référer à la première tentative de révision constitutionnelle qui a eu lieu en 2014 et qui avait échouée à une voix près. Et s’attendre à ce que les modifications qui avaient été voulues en 2014 soient de nouveau présentes dans ce projet de révision constitutionnelle.
RPA : Et quelles sont ces modifications ?
THIERRY VIRCOULON : Un des articles constitutionnels qui risque d’être modifié, c’est en effet celui qui limite les mandats présidentiels à deux mandats. Il est fort probable que dans le projet de révision constitutionnel à venir, cette partie disparaitra et qu’il n’y aura plus de limite de mandats pour la présidence.
Deuxièmement, il est aussi très probable que l’architecture gouvernementale au sommet qui prévoit aujourd’hui un président et deux vice-présidents soit aussi modifiée.
Par contre cette note dit qu’il y a peu de chance que les quotas ethniques soient modifiés, le fameux 60-40.
RPA : Pourquoi les quotas ethniques ne posent pas problème ?
THIERRY VIRCOULON : Parce qu’ils ne constituent plus un gage de partage du pouvoir au Burundi actuellement. On a maintenant un système de monopole politique de fait du Cndd-fdd malgré le fait qu’il y a toujours les quotas 60-40 et qu’ils soient respectés. Par conséquent l’évolution ces dernières années a montré que ces quotas de 60-40 n’étaient plus une garanti de partage du pouvoir au Burundi, ils n’avaient pas empêché le Cndd-fdd de s’emparer du pouvoir seul.
RPA : La constitution burundaise se réfère à l’Accord d’Arusha. Que reste-t-il de cet Accord d’Arusha aujourd’hui?
THIERRY VIRCOULON : L’Accord d’Arusha de jure, en droit, il est intact. De fait, il a été très largement remis en cause et cela même avant 2015. Il a été remis en cause essentiellement à la fois par la nyakurisation de l’opposition et aussi par la création d’un système de pouvoir parallèle par le Cndd-fdd qui est situé au niveau de la présidence qui, en fait, est le vrai pouvoir par rapport au système institutionnel démocratique qui est inscrit dans la constitution.
RPA : Et pourquoi s’attaquait à l’Accord d’Arusha ?
THIERRY VIRCOULON : D’une part comme je le disais, il y a une volonté de mettre en conformité la situation de fait et le texte constitutionnel. Et puis, il y a déjà eu cette velléité de revenir sur certains éléments de l’Accord d’Arusha en 2013 et 2014 au niveau du pouvoir. C’est dû au fait que le pouvoir n’a jamais adhéré véritablement aux principes d’Arusha premièrement.
Deuxièmement, il est maintenant dans une situation de monopole politique qui lui permet de mettre en œuvre son projet juridique.
Arusha représente pour les dirigeants actuels du Cndd-fdd une obligation de partage de pouvoir, qu’ils ont accepté à un moment pour des raisons tactiques mais auquel ils n’ont jamais adhéré fondamentalement.
RPA : Où ils en sont avec ce projet de révision constitutionnelle ?
THIERRY VIRCOULON : D’après ce que je sais, la commission qui travaille sur ce projet devrait remettre ses conclusions en Novembre. A partir de là, ce sera au gouvernement d’avaliser ou non ces conclusions. On verra si, le projet de constitution est soumis ou non à un référendum.