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Radio Publique Africaine
“La voix des sans voix”

OPINION/ Justice : des avancées en paroles

OPINION/ Justice : des avancées en paroles

Le domaine de la justice et des droits de l’homme reste déplorable  malgré les discours prometteurs.

 *Me Dieudonné Bashirahishize

 Le Président Ndayishimiye Evariste a établi mieux que quiconque le diagnostic ou l’autopsie du système judiciaire  Burundais  à plusieurs reprises. Cette  approche consistant à pointer du doigt ce qui ne marche pas est positive. Cependant, ce n’est qu’une étape qui devrait être suivie par des réformes et des décisions importantes pour remettre le pouvoir judiciaire sur les rails de l’indépendance  et de l’Etat de droit.  

En date du 25 août 2021, au cours d’une rencontre avec les représentants de la magistrature burundaise, le Président de la République a reconnu que la justice burundaise est gangrénée par une corruption endémique avant que les juges  ne rétorquent à leur tour qu’ils sont instrumentalisés par les hommes puissants du régime en place qui leur dictent les décisions à prendre.

 Le judiciaire écrasé par l’exécutif

 Pour enfoncer le clou, le président de l’Assemblée Nationale Gélase Ndabirabe  avait estimé en date du 8 juillet 2021 à Kayogoro lors d’une réunion avec les administratifs à la base, que la justice burundaise ne sera jamais indépendante tout en menaçant de chasser tout juge qui osera réclamer l’indépendance de la magistrature. C’est ainsi qu’on a commencé à assister à des lettres des représentants du pouvoir exécutif à Bubanza et Bujumbura rural  au mois de juillet 2021 qui  annonçaient  qu’ « afin de donner suite aux plaintes reçues au sein du cabinet, plaintes qui sont liées aux jugements mal rendus et à la mauvaise exécution des sentences, il est recommandé au Président du Tribunal de Grande Instance et au Procureur de se présenter au cabinet du Gouverneur une fois le mois pour une délibération conjointe avec le cabinet du gouverneur». Ces membres du pouvoir exécutif considèrent donc les juges comme de simples administratifs sous leurs ordres.

S’il est vrai que le Ministre de l’intérieur de l’époque qui est l’actuel premier ministre avait calmé le jeu en rappelant le principe de la séparation des pouvoirs, force est de constater que ce principe est très loin d’être respecté au Burundi sous le régime du président Ndayishimiye.

Dans son rapport détaillé de 2018, la commission internationale d’enquête sur le Burundi avait estimé que : « Pour que la justice soit réellement indépendante, il faut que l’institution et les magistrats du siège soient indépendants. L’indépendance institutionnelle requiert une certaine autonomie financière et administrative. Le principe d’inamovibilité des magistrats du siège est, quant à lui, la pierre angulaire de l’indépendance des magistrats. Il est étroitement lié aux procédures et règles régissant leur recrutement, leur affectation et les éventuelles sanctions disciplinaires à leur encontre. » 

Malgré le discours qui témoigne d’une certaine bonne volonté de la part de l’actuel chef de l’Etat, personne ne peut affirmer qu’il y a eu des avancées dans ce domaine. Alors qu’un rapport sanctionnant les Etats généraux de la justice de 2013 reste caché dans  les tiroirs du ministère, aucune réforme structurelle n’a été engagée pour promouvoir l’indépendance de la magistrature. Les magistrats sont toujours recrutés dans l’opacité tandis que  la gestion de la carrière reste l’œuvre d’un conseil supérieur de la magistrature dominé par les représentants du pouvoir exécutif. Pire encore, ce conseil vient de se voir octroyer  des pouvoirs juridictionnels à travers la loi N° 100/203 du 17 novembre 2021 alors que c’est loin d’être sa vocation.  En effet, ce conseil s’est vu attribué contre toute attente le droit de contrôler la qualité des décisions judiciaires dénoncées le conseil ainsi que celui de réanalyser au fond des jugements et arrêt des cours et tribunaux  devenus définitifs et sans recours.

Dans ces circonstances, où la justice reste aux ordres du pouvoir exécutif, il est difficile de faire respecter les droits de l’homme surtout que des organisations de la société civiles tant locales qu’internationales constatent que les violations des droits de l’homme n’ont pas cessé avec l’arrivée au pouvoir du Président Ndayishimiye. 

Des actes pour ‘’garantir son contrôle total du pouvoir’’

S’il est vrai qu’il a commencé à s’attaquer à certaines hautes autorités impliquées dans les crimes économiques, il l’a fait  sur fond de lutte pour le contrôle effectif du pouvoir. Aucune autorité proche du régime  impliquée  dans les crimes contre l’humanité commis depuis 2015 et avant n’a été poursuivi pour répondre de ses actes.  En conséquence, plus de  259.714 réfugiés éparpillés attendent que le Président s’engage dans la répression des crimes qui les ont contraints à l’exil pour pouvoir rentrer sans craintes de nouvelles représailles.  

Somme toute, pour résumer le bilan des trois ans de gouvernance du Président Ndayishimiye dans le domaine de la justice et des droits de l’homme, je ne peux que rappeler les déclarations du rapporteur spécial sur le Burundi qui a estimé récemment qu’« Il est difficile de prétendre à une normalisation, à une paix durable si la justice manque d’indépendance et d’impartialité, si des milliers de burundais continuent de vivre en exil, si l’espace civique ne permet pas aux organisations de la société civile, aux médias, aux partis politiques de travailler en toute indépendance et que des journalistes sont emprisonnés pour avoir fait leur travail. »

Me Dieudonné Bashirahishize est avocat au Barreau du Rwanda.  Détenteur d’un Master en droit de l’Université catholique de Louvain et ancien Vice-Président de l’East African Law Society.

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