Burundi : vives critiques après un événement controversé sur les massacres de 1972 à l’ONU

Ce mercredi 25 juin 2025, l’ambassade du Burundi aux États-Unis, en collaboration avec la Commission Vérité et Réconciliation (CVR), a tenu un événement intitulé « Le génocide de 1972 contre les Burundais de l’ethnie Hutu », au siège des Nations Unies à New York. Une initiative qui continue de susciter une vive inquiétude au sein de nombreuses organisations de la société civile burundaise.
Dans une déclaration conjointe datée du 23 juin 2025, vingt organisations de la société civile indépendante dénoncent déjà ce qu’elles considèrent comme une instrumentalisation politique de l’histoire. Selon elles, à ce jour, aucune instance internationale compétente n’a juridiquement reconnu les massacres de 1972 comme un génocide au sens de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948.
« Nous, les organisations de la société civile indépendante signataires, avons été informées de la tenue d’un événement parallèle prévu au siège des Nations Unies, intitulé “Le génocide de 1972 contre les Hutus du Burundi : de la mémoire à l’action dans le cadre de la responsabilité de protéger”. Cet intitulé pose de sérieuses préoccupations éthiques, juridiques et politiques », lit-on dans la déclaration.
Les signataires estiment que la reconnaissance d’un génocide exige une démarche rigoureuse, impartiale, et conforme au droit international. Or, selon elles, la CVR du Burundi devenue, depuis la crise politique de 2015, un outil entre les mains du parti au pouvoir CNDD-FDD mène un travail sélectif, mettant l’accent quasi exclusivement sur les victimes hutu de 1972, tout en occultant les autres drames qui ont endeuillé à la fois les Hutu et les Tutsi à différentes périodes de l’histoire.
« La CVR agit de manière solitaire et contribue à diviser davantage la mémoire nationale au lieu de la réconcilier », soulignent-elles.
Préoccupations de la société civile burundaise suite à cet événement
Pour ces organisations, la tenue d’un tel événement au sein même des Nations Unies valide une lecture partielle, unilatérale et politisée de l’histoire du Burundi. Elles s’inquiètent des conséquences de cette approche sur la réconciliation nationale, estimant qu’elle compromet les efforts de justice transitionnelle et nuit à la crédibilité des mécanismes onusiens en matière de prévention des atrocités de masse.
Elles rappellent que d’autres épisodes violents ont marqué le pays notamment en 1965, 1988, 1993 et 2015 affectant toutes les composantes de la population burundaise. Cette mémoire partagée devrait, selon elles, être honorée de manière équitable et non sélective.
Lors de la 48ᵉ session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, tenue du 13 septembre au 1ᵉʳ octobre 2021, le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, M. Fabián Salvioli, a exprimé des réserves similaires. Il a notamment souligné que la CVR est critiquée pour s’être principalement focalisée sur les fosses communes liées aux événements de 1972, en incluant très peu de témoignages ou de victimes de l’ethnie tutsie dans ses enquêtes.
Les organisations signataires accusent le régime actuel, issu d’une rébellion impliquée dans des crimes passés et visé par une enquête de la Cour pénale internationale (CPI) pour les violations commises en 2015, d’utiliser la CVR à des fins d’auto-justification. Elles estiment que cette stratégie vise à imposer une version sélective et partisane de l’histoire, au détriment d’un processus de vérité et de réconciliation authentique.
Le silence des Nations Unies face à cet événement est perçu comme une occasion manquée d’affirmer leur mission de justice, de paix et de prévention des crimes atroces à travers le monde.
Les 20 organisations recommandent de préserver la neutralité des Nations Unies en évitant de soutenir des initiatives perçues comme partisanes, de mettre en œuvre la résolution S/1996/682 du Conseil de sécurité pour créer une commission internationale d’enquête impartiale sur les crimes commis au Burundi depuis l’indépendance, et de remettre le Burundi à l’ordre du jour du Conseil de sécurité pour assurer un suivi à la crise en cours.