Les réfugiés de Nakivale réclament des formations sur les violences à l’égard des femmes
Ce mardi, 15 septembre 2020, une quarantaine de réfugiés burundais du camp de Nakivale en Ouganda ont participé à un atelier sur la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ainsi que sur l’entrepreneuriat. Les participants, qui ont réclamé des formations sur les deux thèmes, affirment que les violences sexuelles et sexistes sont quasi-quotidiennes dans ce camp des réfugiés situé au Sud-Ouest de l’Ouganda.
Certains participants, à l’atelier, qui a démarré dans la matinée de mardi à l’intérieur de la salle de la Communauté Estudiantine Burundaise de Nakivale, estiment que la plupart des réfugiés ne savent pas identifier les violences faites aux femmes. «Je ne sais pas si les hommes le font exprès mais je pense que la plupart d’entre eux le font par ignorance », indique Aisha Bucinyibuka qui poursuit son explication : « Parfois, nous nous rendons dans un ménage pour réconcilier un couple qui s’est disputé. Et demain la même chose se reproduit. Nous trouvons la femme couverte de plaies. Son mari la passe à tabac alors que c’est elle qui fait la vaisselle, c’est elle qui prépare la nourriture, c’est elle qui est contrainte à puiser de l’eau alors que le mari garde les bras croisés. Après l’avoir battue, le mari commence à regretter », s’indigne Aisha Bucinyibuka.
La représentante des femmes dans tout le camp de Nakivale, Capitoline Havyarimana, confirme que les violences à l’égard des femmes existent dans ce camp des réfugiés. « Les maris abandonnent leurs femmes d’une manière arbitraire. Les grossesses précoces sont signalées chez les filles. Le problème c’est que nous n’avions pas de moyen de porter loin notre voix. Heureusement que vous êtes aujourd’hui là », a déclaré Capitoline Havyarimana en s’adressant principalement aux représentants de la Radio Publique Africaine et d’ASD-Inkingi.
Un autre participant à l’atelier, Armel Igiraneza, estime que les violences à l’égard des femmes dans le camp des réfugiés de Nakivale se sont multipliées depuis le début de la pandémie de COVID-19. « La pauvreté a augmenté à cause du confinement et les violences conjugales sont devenues de plus en plus fréquentes », souligne ce réfugié burundais de Nakivale. Armel Igiraneza indique également que le fait de donner aux réfugiés de l’argent à la place de la ration alimentaire en vivres provoque des violences dans les ménages. « Quand le mari récupère l’argent, il va directement prendre un verre dans un bistrot avant de rentrer à son domicile. Alors que, là-bas, sa femme et les enfants attendent qu’il leur apporte de la nourriture mais parfois le mari rentre les mains vides. Cela provoque des accrochages », explique ce réfugié burundais de Nakivale. Il ajoute que, dans cette période de pandémie, les filles se livrent à la prostitution pour gagner de l’argent nécessaire pour acheter des habits, du lait de beauté, ainsi que d’autres besoins fondamentaux.
Le projet de sensibilisation à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes et de promotion de l’entrepreneuriat est mis en exécution par la Radio Publique Africaine en collaboration avec l’ASD-Inkingi avec l’appui financier de la Coopération Autrichienne pour le Développement. Le représentant pays de l’Autriche en Ouganda, Docteure Roswitha Kremser, estime que quelque chose doit être fait face aux violences faites aux femmes dans le camp des réfugiés de Nakivale : « Moi personnellement je suis défenseur des droits de l’homme. Moi personnellement je suis défenseur des droits des femmes. Je dis non aux violences à l’égard des femmes. Même si l’activité est peut-être un début, j’appelle tous les autres acteurs à y joindre leurs forces pour qu’on puisse dire ensemble non aux violences faites aux femmes dans le camp de Nakivale, dans tous les autres camps des réfugiés, et partout ».
L’entrepreneuriat c’est le second thème de l’atelier
Aisha Bucinyibuka indique qu’elle a été impressionnée par l’exposé d’Anschaire Nikoyagize. « Le président de l’ASD-Inkingi nous a raconté comment il a démarré ses activités. Il a débuté avec un petit capital et aujourd’hui c’est devenu géant. C’est intéressant comme modèle », a déclaré cette Burundaise réfugiée à Nakivale.
Les sketchs sur l’entrepreneuriat et sur les violences faites aux femmes étaient au rendez-vous
Les danses traditionnelles burundaises aussi
Les danses de ces jeunes filles ont rappelé à la représentante de l’Autriche en Ouganda le pays dans lequel elle a travaillé pendant deux ans. « Au Burundi, j’ai vu des collines et le tambour », a déclaré Docteur Roswitha Kremser qui n’a pas caché sa joie face aux performances des danseuses. Et de promettre aux Burundaises réfugiées à Nakivale que le projet leur permettra de ‘’dire et vaincre ces choses-là qu’elles ont peur de dire’’.
Ce premier atelier de Nakivale se présente comme une évaluation à mi-parcours du projet, a déclaré le président de l’Association ASD-Inkingi Anschaire Nikoyagize.
A travers les échanges des participants et les interviews collectées depuis le mois de juillet, la RPA et l’ASD-Inkingi ont pu récolter des éléments nécessaires pour aborder le second atelier prévu en octobre prochain. C’est ce second atelier qui permettra aux deux organisations de bien cadrer les besoins des réfugiés burundais de Nakivale et dans le domaine de l’entrepreneuriat et dans le domaine des violences sexuelles et sexistes, a précisé Anschaire Nikoyagize.
Jusqu’au 31 août 2020, l’Ouganda comptait 1429268 réfugiés sur son territoire dont 48404 Burundais qui ont fui la crise liée au troisième mandat du président de la République depuis 2015. Et comme au Burundi, les femmes subissent également des violences à Nakivale, leur camp de refuge.
Avec l'appui de Austrian Development Cooperation