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“La voix des sans voix”

Perte de siège en cas de rupture politique : l’étude du Professeur Banshimiyubusa questionne le mandat parlementaire au Burundi

En 2009, le code électoral burundais a été modifié pour instaurer la perte automatique du siège parlementaire en cas de changement ou de rupture d’appartenance politique. Cette réforme, selon l’analyse du Professeur Denis Banshimiyubusa, vise à renforcer le contrôle sur les élus, mais soulève une interrogation majeure sur la nature même du mandat parlementaire.

Qu’est-ce que le mandat parlementaire ?

Selon l’analyse du Professeur Denis Banshimiyubusa, le mandat parlementaire est un contrat de confiance entre les citoyens et leurs représentants. En élisant un député, les électeurs lui confient la responsabilité de défendre leurs intérêts et de participer à l’élaboration des lois. Ce lien de confiance constitue, d’après lui, le socle de la démocratie représentative.

Deux conceptions du mandat : impératif ou représentatif ?

Le Professeur Banshimiyubusa distingue deux grandes conceptions du mandat qui structurent les systèmes parlementaires dans le monde : Le mandat impératif : loyauté au parti et aux électeurs. Selon lui, ce modèle impose à l’élu une stricte obéissance aux instructions de ses électeurs ou de son parti politique. La marge de manœuvre est quasi inexistante, et le parlementaire risque la révocation s’il ne respecte pas ces consignes. C’est un mandat fondé sur la discipline et la subordination. Le mandat représentatif (ou mandat libre) : indépendance au service de la nation. À l’opposé, toujours selon le Professeur Banshimiyubusa, ce modèle confère une totale indépendance à l’élu vis-à-vis de ses électeurs et de son parti. Le parlementaire représente non seulement une circonscription ou une formation politique, mais la nation entière. Dans les pays adoptant ce système, la Constitution interdit explicitement le mandat impératif. Ainsi, même en cas d’exclusion du parti, l’élu conserve son siège, car il est au service prioritaire de l’intérêt national.

Implications pour le Burundi

D’après l’analyse du Professeur Banshimiyubusa, ces distinctions fondamentales ont de fortes conséquences sur le rôle et l’autonomie des parlementaires. L’amendement de 2009 au Burundi témoigne, selon lui, d’une volonté claire de renforcer le contrôle sur les élus, ce qui questionne leur autonomie réelle et, plus largement, la qualité de la démocratie dans le pays.

Un mandat libre… en théorie, impératif dans les faits

La Constitution burundaise de 2018 est sans ambiguïté : son Article 102 stipule que « le mandat des parlementaires est de caractère national, tout mandat impératif est nul, le vote des parlementaires est personnel ». Cette disposition consacre une vision du mandat représentatif qui libère les élus de toute obligation envers un parti ou un groupe d’intérêt, les plaçant comme représentants de la nation entière. En d’autres termes, ils devaient pouvoir voter selon leur conscience.

Ce principe n’est pas nouveau. L’Article 30 de la première Constitution du Burundi indépendant, datée du 1er juillet 1962, affirmait déjà que les membres de l’Assemblée nationale et du Sénat représentaient la nation. Un fondement républicain qui, en théorie, devrait servir de socle à la démocratie burundaise.

Pourtant, comme le souligne le Professeur Denis Banshimiyubusa, politologue à l’Université du Burundi, la pratique actuelle reflète une toute autre réalité. Selon lui, quatre critères déterminent la désignation des députés et sénateurs : la circonscription, l’appartenance politique, l’appartenance ethnique et le genre. C’est cependant l’appartenance politique qui domine, transformant ainsi, de fait, le mandat libre en mandat impératif.

Cette transformation est légalement renforcée par le Code électoral. Depuis 2009, l’Article 112, alinéa 3 maintenu dans les textes de 2014, 2019 et 2024 prévoit qu’un député perd son siège s’il quitte volontairement le parti politique pour lequel il a été élu ou s’il en est exclu, après épuisement des recours légaux. Cette disposition lie donc le parlementaire à son parti, au mépris de la liberté individuelle garantie par la Constitution.

Ainsi, le système burundais consacre un paradoxe institutionnel : alors que la Constitution proclame la nullité du mandat impératif, le Code électoral l’impose indirectement. Les élus, plutôt que d’agir en représentants libres de la nation, sont contraints de suivre la ligne de leur formation politique, sous peine de perdre leur mandat.

Fait troublant, le Professeur Banshimiyubusa remarque qu’à ce jour, aucune destitution pour rupture d’affiliation politique n’a été enregistrée. Ce décalage entre la norme juridique et son application soulève des interrogations : la clause est-elle purement dissuasive, ou bien existe-t-il des équilibres politiques tacites qui en empêchent l’application ?

Liberté politique et discipline partisane : un équilibre fragile au Burundi

En 2004, lors de la rédaction de la Constitution de 2005, le CNDD-FDD s’opposait fermement à la clause imposant la perte de siège à tout élu changeant de parti. Pourtant, aujourd’hui, cette même logique de contrôle prévaut, soulevant une question majeure : qui bénéficie réellement de ce « mandat impératif déguisé » au Burundi ?

Contexte et intentions du constituant

Au départ, les travaux préparatoires de la Constitution de 2005 prévoyaient une disposition claire : « Tout député ou sénateur qui, au cours de la législature, change de parti politique, perd automatiquement son siège, remplacé par son suppléant. » Le texte affirmait également le caractère national du mandat, rejetant tout mandat impératif, et insistant sur le vote personnel des parlementaires.

Le revirement du CNDD-FDD et ses conséquences

Toutefois, cette clause fut supprimée lors des débats à l’Assemblée Nationale de Transition, à la demande explicite du CNDD-FDD. La version finale de la Constitution de 2005 retire la sanction de déchéance en cas de changement d’affiliation politique, ne conservant que l’affirmation du mandat national, la nullité du mandat impératif, et le principe du vote personnel. Le constituant avait donc opté pour un système où l’élu gardait son siège même en changeant de parti, comme le souligne l’analyste Denis Banshimiyubusa.

Un retour en arrière stratégique et une interprétation controversée

Ironie du sort, selon Banshimiyubusa, le CNDD-FDD regretta rapidement l’absence de cette clause. Ce revirement survint notamment après l’exclusion de 22 députés proches d’Hussein Radjabu en 2008. Le parti dut alors s’appuyer sur l’article 169 de la Constitution pour justifier leur déchéance, une lecture qui va à l’encontre de l’intention première du constituant.

Discipline partisane : un contrôle au profit d’une élite restreinte

En principe, ce contrôle vise à renforcer l’autorité du parti sur ses représentants. Mais l’analyse de Denis Banshimiyubusa montre une réalité plus nuancée : ce sont souvent une petite élite dirigeante qui en tire les bénéfices, avec des députés « roulant » dans l’intérêt de ce cercle influent.

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