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Radio Publique Africaine
“La voix des sans voix”

La presse au Burundi : Regard des journalistes chevronnés

La presse au Burundi : Regard des journalistes chevronnés

Chaque 03 mai, le monde célèbre la journée dédiée à la liberté de la presse. Au Burundi, deux femmes journalistes sont en prison et une centaine d’autres journalistes sont en exil depuis déjà 9 ans. Pourquoi la cohabitation journalistes-politiques reste difficile au Burundi ? Des journalistes en ont débattu au cours de l’émission IJAMBO NI RWAWE de la Radio Publique Africaine de ce 04 mai 2024.

 

« Les médias s’autocensurent beaucoup actuellement au Burundi. » Avoue Jean-Claude Kavumbagu, directeur de l’agence de presse en ligne Net Press. Ce journaliste de 28 ans  d’expérience est parmi les journalistes qui exercent encore au pays. « Nous exerçons dans un climat très difficile. Le journalisme est un métier mal vu, très combattu même.» Ajoute-t-il.

Le directeur de l’agence Net Press déplore que le journalisme d’investigation qui faisait jadis l’honneur des médias burundais, a été abandonné.  Les journalistes ont de sérieux problèmes d’accès aux sources d’informations, surtout les sources officielles.  Pour Jean-Claude Kavumbagu, les membres du gouvernement se cachent derrière leurs porte-paroles  qui organisent régulièrement des conférences publiques. « L’information est détenue par les ministres, ce sont eux qui devraient répondre aux questions des journalistes et de la population », souligne JC Kavumbagu.

Sans contredire le classement fait par Reporters Sans Frontières qui montre une avancée dans le classement, 108ème place en 2024 contre 114ème en 2023 sur un total de 180 pays, JC Kavumbagu ne voit toutefois aucune avancée sur le terrain.

Fiacre Munezero, ancien journaliste de la Radiotélévision Nationale et un des fondateurs de la Radio (privée) Isanganiro, peint un tableau similaire à celui de son ancien collègue JC Kavumbagu. 

Selon Fiacre Munezero, le régime CNDD-FDD ne tolère pas les journalistes qui accordent la parole à leurs opposants armés ou pas, ainsi qu’à ceux qui portent loin toute voix discordante, entre autres celles des militants de la société civile.  

Fiacre Munezero,  un des journalistes qui ont tendu le micro aux dirigeants actuels du pays encore au maquis, regrette que le régime CNDD-FDD reproduise ce qu’il disait combattre dans le passé. 

« Quand nous allions les rencontrer au maquis, les combattants du FDD nous appréciaient beaucoup pour avoir osé risquer nos vies afin de porter loin leurs revendications. »

Ayant exercé dans un climat de tension et d’intimidation sous les régimes qui ont précédé le régime actuel, Fiacre Munezero estime que le CNDD-FDD a placé haut la barre. « Attaquer des médias et tirer sur le matériel est inimaginable et incompréhensible. »

Victime de son métier à plusieurs reprises, JC Kavumbagu a été déjà emprisonné cinq fois, par différents régimes. Pour lui, les dirigeants du Burundi ne persécutent les journalistes que pour une seule raison. « Les journalistes diffusent des informations qu’ils désiraient garder secret. »

Déplorant aussi le musèlement de la presse, le président de l’Union Burundaise des Journalistes UBJ, un des journalistes en exil, regrette que les crimes commis contre les journalistes restent impunis. Alexandre Niyungeko, directeur d’une des radios diffusant depuis l’exil, salue ce qu’il qualifie de bravoure des journalistes restés au pays. « Ces journalistes sont à encourager. Ils sont braves parce qu’ils parviennent à continuer à travailler malgré les conditions difficiles. Nos activités se complètent. »

A la tête du Burundi depuis juin 2020, le président Evariste Ndayishimiye  tient des discours prometteurs, mais des discours qui ne sont pas suivis d’actes concrets.

A une année des premières élections (les législatives prévues en 2025), un projet de code électoral est en attente de promulgation. L’un des amendements fait, interdit les journalistes de publier les résultats des élections avant la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI).  Un coup de plus pour enfoncer le métier de journalisme, estiment les journalistes invités de l’émission IJAMBO NI RWAWE. 

« Nous attendons de voir l’action du président de la République. S’il est pour une presse libre, il ne devra pas promulgué le code électoral tel qu’il est. » Déclare JC Kavumbagu.

Mais en attendant des actions concrètes du chef de l ‘Etat, deux femmes journalistes restent emprisonnées.  

Floriane Irangabiye, de la radio Igicanoro est sous les verrous depuis plus d’une année.    Elle est condamnée à 10 ans de prison ferme pour atteinte à la sureté intérieure de l’Etat.  Sandra Muhoza  de  l’agence en ligne La Nova,   est  quant à elle,  depuis le 18 Avril  locataire de la prison centrale de Mpimba. Elle est  poursuivie pour atteinte à la sécurité de l’Etat et aversion raciale.  

 

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Photo : Fiacre Munezero tendant le micro au président Evariste Ndayishimiye encore au maquis (2004)

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