A qui profite l’interdiction des motos, vélos et tricycles à Bujumbura ?
Plus de deux ans après l’entrée en vigueur de la mesure interdisant la circulation des tricycles, motos et vélos au centre de la capitale économique Bujumbura, aucune amélioration n’a été constatée. Et même la promesse de réviser cette mesure n’a jamais été tenue. Les conséquences de cette mesure tombent sur les citoyens lamda.
Au mois de février 2022, le ministre Gervais Ndirakobuca, lors d’une rencontre avec les cadres de la police et les administratifs, a annoncé la décision de son gouvernement d’interdire dorénavant les motos, vélos et tricycles en plein centre-ville de Bujumbura. La raison avancée était que cela allait leur permettre de réduire les accidents de la route.
Interrogé à propos de cette mesure controversée, le numéro un burundais a tout simplement fait savoir qu’il l’a fait à la demande des femmes rendues veuves par les accidents de la route. « On a beaucoup discuté sur cette problématique. On s’est dit qu’on n’allait pas continuer à assister impuissamment alors que des gens meurent en grand nombre comme si on était en période de guerre. Et comme on a constaté que la plupart de ces accidents se produisent dans la capitale Bujumbura, on a essayé de trouver une solution pour couper court avec ça. Cela parce que je reçois énormément de plaintes de la part des veuves et orphelins. Alors, dites-moi, j’étais supposé mettre autrement fin à ces pleurs ? » Dixit le président Evariste Ndayishimiye.
Prétexte ou échec de la mesure ?
Même si le numéro un burundais avance cet argument, le constat est que cela n’a été qu’un prétexte compte tenu de la situation sur terrain. Le rapport du magazine Le journal.africa mentionne qu’au Burundi, les accidents routiers sont passés de 3 775 en 2020 à 4 723 en 2021. Et l’an 2022, année dans laquelle les motos, les vélos et les TUK-TUK ont été interdits de circulation en plein centre-ville, ces accidents se sont beaucoup multipliés.
En effet, comme l’ont déclaré différentes organisations œuvrant dans le secteur de la sécurité routière comme la Croix Rouge et le BECA qui est le Bureau d’Etudes, Expertises et Conseil Automobile, le nombre des accidents routiers répertoriés en 2022 est de 6 059, des accidents qui ont entrainé la mort de 484 personnes, faisant 2 552 blessés. Dans une interview accordée à nos confrères du journal IWACU, Pacifique Nsabimbona, Directeur Général du BECA, affirme que le grand défi observé est qu’il n’y a pas d’auto-écoles pour la catégorie B des voitures légères au Burundi dont des bus. Et ce cadre de souligner aussi que « la vétusté des véhicules, le mauvais entretien ainsi que le mauvais état des routes sont entre autres causes de ces accidents de la route. »
Des conséquences énormes sur le citoyen lamda
Travaillant toute cette période dans les quartiers périphériques de la capitale Bujumbura, les conducteurs de ces vélos, motos et Tuk-Tuk en tirent des revenus minimes.
« Nos bailleurs sont furieux et nous reprochent de ne plus payer les loyers à temps alors qu’avant, on n’avait aucun problème. On essaie de leur expliquer que pour le moment, il nous est très difficile de réunir tout l’argent vu que notre espace de travail a été très restreint. Ceux qui avaient des familles ont dû envoyer épouses et enfants à l’intérieur du pays, et même là, ils ont du mal à survivre, car ce n’est pas évident de s’occuper de leurs familles envoyées à la campagne et garder un peu d’argent pour soi. » S’est plaint un des conducteurs de moto-taxi.
Les citadins qui se déplaçaient sur ces motos, vélos ou motos vivent, eux aussi, un calvaire depuis la prise de cette mesure. « C’est difficile de se déplacer aujourd’hui. Le trajet pour lequel on payait 1 000 francs à moto, revient aujourd’hui à 5 000 francs vu qu’on est obligé de prendre des taxis-voiture à cause de la pénurie du carburant qui perdure. On est vraiment dépassé. On demande au gouvernement de revenir sur cette décision et d’autoriser ces motos à circuler partout, surtout qu’avec cette crise du carburant, le secteur de transport est paralysé. »
Qui viendra alors au secours de cette population qui ne vit que de ce transport ? Malheureusement, on peut dire sans se tromper que leurs cris sont tombés dans l’oreille d’un sourd compte tenu de la seule solution envisagée par le président Ndayishimiye. Selon le numéro un burundais, ces motos-taxi, vélos et Tuk-Tuk pourront souffler une fois que le pays aura construit des autoroutes-échangeurs. « Il n’y a aucune méchanceté dans cette mesure. Mais si vous pouviez booster la production, on pourrait avoir le budget nécessaire pour construire des autoroutes échangeurs. Comme ça, tout le monde pourra se mouvoir en toute liberté. »
Ce qui semble être un rêve irréalisable, du moins dans un avenir proche, surtout que les fonds sont censés provenir de la production d’un peuple qui n’arrive même plus à joindre les deux bouts du mois.