En mairie de Bujumbura, des femmes victimes d’agressions sexuelles dans les files de bus
En mairie de Bujumbura, des femmes et filles dénoncent les agressions sexuelles qu’elles subissent dans les files d’attente des bus, surtout en soirée jusque tard dans la nuit. Selon les victimes, ces actes se déroulent sous les yeux de la police, qui reste passive.
La peur et la panique gagnent celles qui patientent dans les files, alors que certains hommes se placent derrière elles et se livrent à des gestes inappropriés. Une femme présente sur les parkings de bus, du côté sud de la capitale économique, explique : « Ils viennent avec de petits sacs et les placent devant leur pantalon, du côté de leur sexe, pour les cacher. Comme personne ne fait attention, ils le font librement. » Elle ajoute : « De mon côté, j’ai décidé qu’aucun garçon ne se tiendra debout derrière moi », et précise que ces agressions se produisent aussi dans le bus lorsqu’on est debout. « On sent alors que l’acte a lieu pendant les contacts à cause de ce que font ces hommes », ajoute-t-elle.
D’autres femmes dénoncent le manque de réaction des policiers. « Ces hommes profitent de la situation pour agir comme ils le souhaitent, nous traitant comme des objets et se comportant sans limite », affirme une autre femme présente sur les lieux. Elle indique que tout cela se produit sous le regard des agents de l’ordre, y compris la police, qui n’interviennent pas. Et lorsque les victimes demandent de l’aide, elles ne reçoivent que des questions, comme si les policiers n’étaient pas informés. Elle rapporte également : « Récemment, un vieil homme présent dans la file a demandé aux policiers comment plusieurs personnes qui ne se connaissent pas pourraient inventer ces histoires. »
Les files interminables ont commencé à se manifester il y a environ quatre ans, avec la pénurie de carburant qui affecte le pays.
Les femmes et filles appellent la police à surveiller attentivement les files d’attente et les parkings, notamment en soirée jusque tard dans la nuit, afin de protéger les personnes vulnérables.
Éducation, sécurité et répression : les mesures pour stopper les agressions dans les files d’attente
Les violences sexuelles contre les femmes et les filles dans les files d’attente des bus constituent une atteinte à leur dignité, selon Reynolds Butari, spécialiste en sciences du comportement. Ces actes, souvent qualifiés de frottage, ne sont pas des accidents liés à l’encombrement : ils relèvent d’une intrusion dans l’espace personnel des victimes, qui se sentent humiliées.
Le spécialiste précise que ces agressions peuvent découler de pulsions incontrôlées, de déséquilibres psychologiques ou de troubles de la personnalité, et qu’elles se produisent souvent sous l’anonymat de la foule, contrairement à d’autres formes où l’agresseur cherche à montrer son pouvoir. Les conséquences pour les victimes peuvent inclure anxiété, stress post-traumatique, hypervigilance et perte de confiance, pouvant mener à un isolement social.
Reynolds Butari appelle à une approche combinant éducation et sensibilisation du public, renforcement de la sécurité avec des personnes identifiables dans les files d’attente, facilitation des signalements via des lignes téléphoniques ou applications mobiles, et répression judiciaire rapide et efficace. Selon lui, un effort collectif est nécessaire pour limiter ces comportements.
L’impunité et la défaillance de l’État pointées du doigt
Marie Louise Baricako, présidente du mouvement Inamahoro, qui se mobilise pour défendre la paix, la sécurité et les droits humains, estime que le fait que ces violences se produisent sous le regard de la police, sans intervention, illustre l’enracinement d’une culture de l’impunité au Burundi.
Pour la présidente du mouvement, qui promeut les droits des femmes, la gravité de ce phénomène résulte de l’intersection de plusieurs crises, notamment la situation économique et la pénurie de carburant, qui accentuent la vulnérabilité des populations. Selon elle, la passivité ou la complicité des forces de l’ordre encourage les agresseurs à commettre ces actes sans crainte de sanctions. Ces agressions ciblent spécifiquement les femmes et les filles, mettant en lumière la violation de leurs droits malgré les lois existantes. L’incapacité des autorités à protéger leurs citoyens constitue un manquement grave à leurs responsabilités, souligne-t-elle.
Marie Louise Baricako exhorte les autorités à sanctionner les agents de sécurité défaillants. Elle appelle également les victimes et témoins à ne pas laisser ces actes impunis, à s’indigner et à dénoncer ces agressions, afin de protéger l’avenir des femmes et des filles dans la société. Elle insiste sur la nécessité d’une mobilisation collective : renforcer la protection des femmes dans les transports publics et dans les zones d’attente, traduire en justice les agents de police complices ou passifs, et sensibiliser la population à la gravité de ces agressions.
Selon Marie Louise Baricako, chaque citoyen doit agir là où il se trouve pour que ces violences sexuelles, qui font la honte de la société, cessent définitivement.

