Les inquiétudes sécuritaires de la population de Cibitoke sont parfaitement légitimes, avertit un ancien officier burundais

Les va et vient de camions remplis de militaires burundais en direction de la frontière avec la République Démocratique du Congo (RDC) et les crépitements d’armes en provenance de ce pays inquiètent la population de Cibitoke, en province de Bujumbura. Selon un ancien officier supérieur burundais connaissant bien cette région, et qui a souhaité garder l'anonymat, ces inquiétudes sont parfaitement légitimes.
L’ancien officier explique : « Si l’on sait que la population de Cibitoke, spécialement celle vivant le long de la Rusizi, connaît une situation sécuritaire très perturbée depuis 1991, année durant laquelle il y a eu la résurgence des combattants du PALIPEHUTU FNL, cette inquiétude devient compréhensible. La situation a perduré avec la crise de 1993 et les événements qui ont suivi jusqu’à nos jours. Cette population est traumatisée par la guerre qui sévit dans cette région, avec des conséquences sur la vie quotidienne, car cela a entraîné de nombreuses pertes humaines ainsi que la dégradation de l’économie et du bien-être social. »
L’ancien officier ajoute que si le M23 parvenait à conquérir Uvira et ses alentours, la situation pourrait dégénérer et affecter gravement la sécurité du Burundi, notamment le long de la frontière avec la RDC et autour de Bujumbura. « Une telle situation serait très difficile à gérer pour le Burundi, car elle provoquerait un mouvement important et non coordonné de population fuyant vers le pays. Je ne pense pas que le Burundi, ayant pris part dans le Nord et le Sud Kivu, soit préparé à accueillir ces réfugiés et à contenir la situation. À cela s’ajouteraient tous les combattants défaits, membres de la Force de défense nationale du Burundi, du FDLR, des Wazalendo, des Imbonerakure et des FARDC, qui se joindraient à la population de Bujumbura et de ses environs, déjà confrontée à une situation très précaire. Cette situation serait extrêmement difficile à gérer sur le plan sécuritaire et humanitaire. »
Sur le droit du M23 de poursuivre ces combattants jusqu’au Burundi, l’officier précise : « Le droit de poursuite est garanti par les textes et usages de la guerre. Les belligérants ont le droit de poursuivre un ennemi défait jusqu’au dernier retranchement. Tous ces combattants FARDC, FDLR, Wazalendo et Imbonerakure combattent de façon étroite avec les forces de défense nationale du Burundi. Le M23 pourrait donc les poursuivre pour éviter qu’ils s’organisent au Burundi et lancent une contre-attaque. »
Concernant les conséquences pour le pouvoir du président Ndayishimiye, si ce n’est pas le début de la fin de son règne, si les choses continuent telles qu’elles sont maintenant, l’officier nuance : « Dans ce cas, le gouvernement prendrait une lourde responsabilité, car ce conflit a déjà entraîné de nombreuses pertes pour le pays : vies humaines, militaires portés disparus, d’autres emprisonnés pour avoir refusé de participer à cette guerre qui n’a pas de raison d’être. Si la situation perdure, toute la population burundaise est en droit de se lever comme un seul homme pour exiger le départ immédiat de ce gouvernement qui aura plongé le pays dans le chaos. »